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Homélie du 17 mars 2019

   HOMELIE   DU  17  MARS     (Luc 9, 28b-36)

Pour bien comprendre le sens de cet évangile de la transfiguration, il faut se rappeler ce qui s’est passé avant, dans l’évangile de Luc… En quelques mots : Jésus a demandé aux apôtres de dire qui il  est à leurs yeux et c’est Pierre qui répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » Super réponse de Pierre, mais là où ça se gâte, c’est qu’aussitôt après Jésus dit à ses amis : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, le troisième  jour, il ressuscite. » Ce n’est pas du tout ce qu’ils attendaient, l’idée qu’ils se faisaient du messie. Bien sûr, ce n’était pas très clair en eux : Certains pensaient qu’il allait être celui qui allait contribuer à chasser les Romains d’Israël, pour retrouver la liberté… D’autres soulager les plus pauvres, d’autres rétablir la justice en récompensant les bons et en punissant les méchants : C’est-à-dire quelqu’un qui allait avoir puissance, honneur et gloire pour tout remettre en ordre, comme l’idée qu’ils se faisaient de Dieu ! Et voilà que Jésus leur parle de souffrance, de rejet, de condamnation, de mise à mort ! Cela ne colle pas du tout avec l’idée qu’ils se faisaient du messie. Il parle bien de résurrection mais ils ne l’entendent pas car ils ne savent pas ce que cela veut dire. En plus, aussitôt après Jésus invite ses amis à la même démarche : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix chaque jour…. » On comprend que le moral soit au plus bas ! Quelque part, on les a trompés sur la marchandise !

C’est alors qu’arrive cet évènement de la transfiguration pour remettre un peu les choses à l’endroit. Pour bien comprendre ce texte, il faut commencer par dire que les témoins que sont Pierre, Jean et Jacques ne sont pas choisis par Jésus comme des privilégiés mais parce qu’ils vont être aux premières loges au moment de la Passion, pour les aider à comprendre ce qui se vit (qui ne leur servira d’ailleurs à rien sur le coup). Mais le plus important pour la compréhension c’est de bien saisir ce que veut dire le mot « Gloire de Dieu »: Ce n’est pas la puissance, la domination, la force, ni même le miracle, comme on le croit trop souvent et c’est l’évangile de Jean, qui emploie très souvent cette expression, qui nous en donne la définition : la gloire de Dieu, c’est la capacité d’aimer… Cette capacité d’aimer, qui c’est vrai, fait des miracles, mais c’est la conséquence. Et Luc d’ailleurs nous le décrit très précisément dans ce texte : « Pendant que Jésus priait, l’aspect de son visage devint autre…. » C’est pendant que Jésus échangeait surement des paroles d’amour avec son Père (il ne peut en être autrement)  que son visage devint transfiguré… D’ailleurs la teneur de la conversation entre Jésus et son Père se trouve résumée dans la parole du Père : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ! »

J’avoue que j’ai retrouvé tout le sens de ce texte jusque dans les détails à travers ce que j’ai entendu et vu dans un reportage très court à la télévision : Il s’agissait d’une rencontre organisée à propos de  l’enquête proposée à tous ceux qui le désiraient sur les grand sujets de société dans notre pays…. Et là il s’agissait de jeunes handicapés mentaux à qui on a donné la parole sur ces sujets et la journaliste qui faisait le reportage leur a demandé ce que cela leur faisait de répondre à ce questionnaire. Ils ont dit tout leur bonheur qu’on les considère comme des gens capables de donner leur avis, que par là on les considère non comme des personnes différentes mais des gens normaux, on sentait tout leur bonheur d’avoir été reconnus comme des personnes à part entière. Et c’est vrai que leur bonheur se lisait sur leur visage. . Le fait que, par-là, on les rétablisse dans leur dignité de personnes humaines leur procurait un grand bonheur et en même temps leur donnait la capacité de trouver des réponses qui tenaient la route. Et c’est vrai que cela se voyait, se lisait sur leur visage, ils étaient vraiment transfigurés. Mais, et c’était souligné par la journaliste, la plus transfigurée était la prof qui avait initié ce débat, devant la teneur du débat. On sentait une proximité, une amitié profonde  avec ces handicapés mais surtout une fierté qu’ils aient saisi cette occasion pour s’exprimer avec tout le bonheur qui en résulte. Comme dans l’évangile, ce bonheur a sans doute été furtif, le reportage était très court. C’est vrai que comme Pierre, dans ces moments, on a envie d’installer des tentes, pour que ça dure. Mais c’est un signe nécessaire qui nous permet de croire que même des handicapés mentaux qui vivent la souffrance, le rejet, la « passion », comme des formes de mort, peuvent revivre, être transfigurés, ressusciter grâce à l’amour partagé et échangé… Nous ne pouvons vraiment nous en apercevoir que si nous croyons davantage que la gloire de Dieu n’est pas la force, la puissance et le pouvoir mais comme nous le rappelle le prophète Elie bien présent dans le récit de la transfiguration que Dieu est présent « dans le murmure d’une brise légère » véritable et unique chemin d’amour !

Daniel Bertèche