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Homélie du 26 mai 2019

    HOMELIE   DU  26  MAI      (Actes 15,1-2.22-29. Jean 14,23-29)

L’évangile nous rappelle (encore !) que toute notre Foi, notre pratique est toute centrée sur l’amour : « Si quelqu’un m’aime…. Mon Père l’aimera…Celui qui ne m’aime pas… Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie… » On ne peut pas mieux. Mais pourquoi ce rappel, cette insistance pour nous mettre dans le crâne qu’il s’agit d’une histoire d’amour… Mais parce que dès le départ les premiers chrétiens ont du combattre  ceux qui, soit disant savent et pour cette raison se donnent le droit de faire la morale aux autres  au nom de leur propre pratique religieuse et c’est vrai jusqu’à aujourd’hui, par exemple, dans cette polémique sur Vincent Lambert..

Les premiers chrétiens, au départ, étaient tous des Juifs convertis, le messie qu’ils attendaient, eux, ont reconnu en Jésus ce messie annoncé. Et pour eux, il était tout à fait logique que les païens devaient faire la même démarche qu’eux et donc passer par les lois et les règles du  Judaïsme pour devenir chrétiens, puisque pour eux le christianisme s’inscrivait dans la suite logique du judaïsme, ça en était la conclusion presque logique : Et donc ils devaient accomplir tous les rites de purification et surtout ils devaient être circoncis (on ne pouvait pas sauter d’étape !).  Et c’est là que Paul, fort justement, va se battre pour qu’on n’impose pas la circoncision aux païens. Pour un juif, être circoncis, lui donnait le droit, le pouvoir d’être sauvé… Alors que les premières communautés chrétiennes, grâce à Jésus venaient de découvrir que l’amour de Dieu ne vient pas au bout d’une quelconque démarche mais était totalement gratuit. Et donc tout ce qui dicte la réflexion de Paul est totalement basé sur la gratuité de l’amour de Dieu. Et nous nous rendons compte qu’accepter cette démarche a du être quelque chose de difficile pour eux ; quelque part, c’était les amputer d’un certain pouvoir, mais aussi d’un certain mérite dont on se débarrasse difficilement. S’entendre dire pendant des siècles qu’on est le peuple élu, la race choisie et tout d’un coup être corrigé : « Ces moins que rien de païens, Dieu les aime autant que nous. » en plus, s’entendre rappelé : «Votre mission de peuple élu n’était pas de croire que vous étiez supérieurs aux autres  mais au contraire votre mission c’était de révéler aux autres peuples qu’ils sont aussi élus, autant que nous. Dieu les aime et pas besoin de la circoncision pour ça… »

C’est dur à entendre comme message, on aimerait qu’on nous laisse un petit complexe de supériorité… Et là rien : Ce n’est pas le régime du mérite, de la récompense, de la bonne action qui permet de faire la morale aux autres… Faire la morale à ceux qui ne sont pas si bien que nous… Et bien non, l’amour, c’est gratuit, c’est sur un tout autre registre !

J’avoue que cette réflexion m’a aidé à comprendre mon sentiment de malaise par rapport à tout ce qui s’est dit autour de Vincent Lambert et surtout de la place et du rôle qu’a tenu l’Eglise :Ce qui a été le plus éclairant, c’était dans le journal La Croix de mercredi deux sortes de réactions très différentes : D’un côté, ceux qui représentaient l’autorité se faisant un devoir de dire la loi, toute la loi, rien que la loi de Dieu ! Avec inévitablement, un « devoir » de dire et de faire la morale aux autres et à le proclamer un peu officiellement…Et les autres sur le terrain, pour qui les choses n’étaient pas si simples, des situations concrètes, des souffrances physiques et surtout morales parfois terribles et je me disais : «  Tous ceux qui sont aux prises réellement avec ce lot de souffrances, de choix à faire, pas si simples pour soulager, accompagner, qui font fonctionner leur cœur comme ils peuvent…. Même si ce n’est pas le but recherché, leur, rappeler cette loi, c’est déjà condamner ceux qui pour différentes raisons, dans le concret de la vie, ne peuvent pas le mettre en pratique, c’est augmenter la souffrance d’une manière d’autant plus forte qu’elle vient d’une vérité proclamée par l’Eglise ! Et c’est là que j’ai mis en parallèle, cette prise de parole qui quelque part condamne et donc n’aime pas gratuitement avec ces catholiques vivant en Terre Sainte dont je vous ai parlé la semaine dernière. De parole officielle, de vérités rappelées, ils n’en ont pas pour la bonne raison que comme cette Eglise n’a aucun pouvoir, personne ne se sentirait réinterrogé, ré interpelé par un tel discours ; et donc ce qui fiche tout par terre, c’est le pouvoir qu’à certains endroits l’Eglise s’adjuge et qui inévitablement la rend juge et condamnatrice… Il faut le reconnaître et oser le regarder comme une chance : de  plus en plus, ou plutôt de moins en moins, ici, les personnes ne retiennent le discours de l’Eglise et surtout n’en tiennent pas compte. Grâce à eux, elle est de moins en moins l’Eglise du jugement, de la vérité,  mais elle devient de plus en plus l’Eglise de l’amour, seul chemin qui mène à l’attention des plus humbles, des plus souffrants, des plus rejetés…

Daniel Bertèche