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LA SPERANZA

L’espérance
samedi 14 mars 2020
Magnifique texte écrit par une religieuse de Milan.
Magnifique message qui nous rappelle ce qu’est l’Espérance, « la Speranza ».

LA SPERANZA

La Speranza en Italie ces jours-ci, c’est le ciel d’un bleu dépollué et provocant, c’est le soleil qui brille
obstinément sur les rues désertes, et qui s’introduit en riant dans ces maisonnées qui apprennent à
redevenir familles.

La Speranza, ce sont ces post-it anonymes par centaines qui ont commencé à couvrir les devantures
fermées des magasins, pour encourager tous ces petits commerçants au futur sombre, à Bergame d’abord,
puis, comme une onde d’espérance – virale elle aussi – en Lombardie, avant de gagner toute l’Italie : «
Tutto andrà bene <3 » (et comment ne pas penser à ces paroles de Jésus à Julienne de Norwich « …ma
tutto sarà bene e tutto finirà bene »* ?),

La Speranza, c’est la vie qui est plus forte et le printemps qui oublie de porter le deuil et la peur, et
avance inexorablement, faisant verdir les arbres et chanter les oiseaux.

La Speranza, ce sont tous ces professeurs exemplaires qui doivent en quelques jours s’improviser
créateurs et réinventer l’école, et se plient en huit pour affronter avec courage leurs cours à préparer, les
leçons online et les corrections à distance, tout en préparant le déjeuner, avec deux ou trois enfants dans
les pattes.

La Speranza, tous ces jeunes, qui après les premiers jours d’inconscience et d’insouciance, d’euphorie
pour des « vacances » inespérées, retrouvent le sens de la responsabilité, et dont on découvre qu’ils
savent être graves et civiques quand il le faut, sans jamais perdre créativité et sens de l’humour : et voilà
que chaque soir à 18h, il y aura un flashmob pour tous… un flashmob particulier. Chacun chez soi, depuis
sa fenêtre… et la ville entendra résonner l’hymne italien, depuis tous les foyers, puis les autres soirs une
chanson populaire, chantée à l’unisson. Parce que les moments graves unissent.

La Speranza, tous ces parents qui redoublent d’ingéniosité et de créativité pour inventer de nouveaux
jeux à faire en famille, et ces initiatives de réserver des moments « mobile-free » pour tous, pour que les
écrans ne volent pas aux foyers tout ce Kairos qui leur est offert.

La Speranza, – après un premier temps d’explosion des instincts les plus primaires de survie (courses
frénétiques au supermarché, ruée sur les masques et désinfectants, exode dans la nuit vers le sud…) – ce
sont aussi les étudiants qui, au milieu de tout ça, ont gardé calme, responsabilité et civisme… qui ont eu le
courage de rester à Milan, loin de leurs familles, pour protéger leurs régions plus vulnérables, la Calabre,
la Sicile… mais surtout qui résistent encore à cet autre instinct primaire de condamner et de montrer du
doigt pleins de rage ou d’envie, ceux qui n’ont pas eu la force de se voir un mois isolés, loin de leur
famille, et qui ont fui.

La Speranza, c’est ce policier qui, lors des contrôles des « auto-certificats » et tombant sur celui d’une
infirmière qui enchaîne les tours et retourne au front, s’incline devant elle, ému :
« Massimo rispetto ».
Et la Speranza, bien sûr, elle est toute concentrée dans cette « camicia verde » des médecins et le
dévouement de tout le personnel sanitaire, qui s’épuisent dans les hôpitaux débordés, et continuent le
combat. Et tous de les considérer ces jours-ci comme les véritables « anges de la Patrie ».
Mais la Speranza, c’est aussi une vie qui commence au milieu de la tourmente, ma petite soeur qui, en
plein naufrage de la Bourse, met au monde un petit Noé à deux pays d’ici, tandis que tout le monde se
replie dans son Arche, pour la « survie », non pas des espèces cette fois-ci, mais des plus vulnérables.

Et voilà la Speranza, par-dessus tout : ce sont ces pays riches et productifs, d’une Europe que l’on croyait
si facilement disposée à se débarrasser de ses vieux, que l’on pensait cynique face à l’euthanasie des plus
« précaires de la santé »… les voilà ces pays qui tout d’un coup défendent la vie, les plus fragiles, les
moins productifs, les « encombrants » et lourds pour le système-roi, avec le fameux problème des
retraites…

Et voilà notre économie à genoux. À genoux au chevet des plus vieux et des plus vulnérables.
Tout un pays qui s’arrête, pour eux…
Et en ce Carême particulier, un plan de route nouveau : traverser le désert, prier et redécouvrir la faim
eucharistique. Vivre ce que vivent des milliers de chrétiens de par le monde. Retrouver l’émerveillement.
Sortir de nos routines…

Et dans ce brouillard total, naviguer à vue, réapprendre la confiance, la vraie. S’abandonner à la
Providence.
Et apprendre à s’arrêter aussi. Car il fallait un minuscule virus, invisible, dérisoire, et qui nous rit au nez,
pour freiner notre course folle.
Et au bout, l’espérance de Pâques, la victoire de la vie à la fin de ce long carême, qui sera aussi explosion
d’étreintes retrouvées, de gestes d’affection et d’une communion longtemps espérée, après un long jeûne.
Et l’on pourra dire avec saint François « Loué sois-Tu, ô Seigneur, pour fratello Coronavirus, qui nous a
réappris l’humilité, la valeur de la vie et la communion ! ».

Courage, n’ayez pas peur : Moi, j’ai vaincu le monde ! (Jn 16, 33)