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De quoi discutiez-vous en chemin ?

L’Évangile de ce dimanche nous rapporte l’épisode bien connu des deux disciples d’Emmaüs: deux compagnons de Jésus quittent Jérusalem et rentrent dans leur village, Emmaüs après les événements qui se sont déroulés à Jérusalem : la passion et la mort de Jésus. Sous l’aspect d’un voyageur mystérieux, Jésus se joint aux deux marcheurs et se mêle à la conversation : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » Les deux compagnons accablés de tristesse, racontent les dernières heures de la vie de Jésus en qui ils avaient mis toute leur espérance : « Nous espérions que c’était lui qui allait délivrer Israël ». Ils expriment aussi leur étonnement et leur doute devant le témoignage de quelques femmes qui sont allées au tombeau et affirment avoir eu une vision d’anges qui disent qu’il est vivant. Mais lui, elles ne l’ont pas vu, ni les compagnons qui sont allés aussi vérifier au tombeau. Le voyageur commence alors à faire une relecture des événements à la lumière des Ecritures. « Comme votre cœur est lent à croire ! ne fallait-il pas que le Christ souffrit cela pour entrer dans sa gloire ? » Le voyageur reprend alors l’histoire de la révélation en partant de Moïse et des prophètes et met en valeur le fil directeur qui annonce un messie non pas de puissance et de prestige mais un envoyé humble et ami des pauvres. La loi de Moïse ne contient-elle pas déjà le lien inséparable entre le service de Dieu et du prochain ? Les prophètes n’ont-ils pas rappelé sans cesse auprès du roi et du peuple la priorité de la justice et du droit pour le pauvre sur l’offrande des sacrifices ? Les psaumes n’ont-ils pas exprimé dans la prière les cris des pauvres qui montent vers Dieu. N’ont-ils pas demandé la disponibilité du cœur à l’Esprit-Saint pour faire la volonté de Dieu. ? La tradition a peut-être occulté la figure du serviteur souffrant d’Isaïe qui offre sa vie pour la multitude ! Alors dans la mentalité juive de l’époque de Jésus, on attendait davantage un messie puissant qui rétablirait d’abord une indépendance nationale face aux Romains tout en cherchant la justice pour les petits. Mais jamais, on ne pouvait imaginer que l’envoyé de Dieu puisse être ainsi crucifié. La déception des compagnons d’Emmaüs est immense. La mort de Jésus qu’ils ont admiré et suivi devient un échec insurmontable sans cet éclairage apporté par le ressuscité lui-même.

Je relis ce passage dans la situation actuelle. Jésus vient aussi à notre rencontre et nous demande : « de quoi discutez-vous ? » Depuis six semaines nous discutons de l’épidémie du corona virus. Comment voir la présence de Jésus mort et ressuscité dans ces événements ? L’incarnation, le fait que Dieu s’est fait homme en Jésus, n’est pas une façade. Jésus prend sur lui toute la condition humaine en ce qu’elle a de plus difficile la souffrance et la mort. Il n’est pas passé à côté. Il ne fait pas semblant. Nous pouvons donc voir la présence de Jésus en croix dans toutes ses victimes de l’épidémie, dans toutes les souffrances de leurs familles qui n’ont pas pu pour la plupart accompagner les leurs comme il se doit et ont été privées des rites de deuil habituels. Dans toutes ces souffrances c’est le Christ, le fils de Dieu qui souffre. Mais nous voyons aussi le Christ victorieux de la mort et de ses puissances dans l’élan de dévouement, de solidarité déployée par le personnel soignant à tous les niveaux, par les travailleurs de l’ombre très nombreux qui permettent à la société de se maintenir. Ils font réussir la vie. Ils « aident Dieu » à soulager et éviter les souffrances à son fils Jésus présent dans tous les affligés de notre monde. C’est nous qui devons aider Dieu à combattre les souffrances, les injustices, les pauvretés que subissent nos contemporains car Jésus s’est identifié à eux : « Tout ce que vous faites au plus petit d’entre les miens c’est à moi que vous le faites » Mt 25. Tous ceux là s’entendront dire le jour du grand passage : «venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde ».