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Homélie du 21 juin 2020

HOMELIE   DU  21  JUIN   ( Matthieu 10,26-35)

Depuis plusieurs dimanches, je recommence à célébrer les baptêmes. Souvent, dans les familles qui le veulent bien, bien sûr, je propose aux parrains et aux marraines de nous lire un petit mot où ils expriment pourquoi ils ont accepté d’être parrain ou marraine, quel bonheur ça leur procure.. Souvent, c’est dit non sans une certaine pointe d’émotion d’avoir été choisis par les parents de l’enfant et c’est super… De la même manière, certains terminent par un couplet religieux, presque toujours le même d’ailleurs (à mon grand étonnement, je suis naïf !). Alors je leur demande où ils sont allés chercher ça… En fait c’est sur Internet qu’ils l’ont trouvé et cela tourne autour de l’expression : « Tu vas faire partie de la famille de Dieu.. » Expression qui ne me convient guère car ça exclue de l’amour de Dieu tous ceux qui ne sont pas baptisés et je le dis clairement… Alors à partir de là souvent des parents donnent leur point de vue quelquefois sur le ton d’un certain mécontentement (à cause de ma réaction !) : « Quand même la religion, c’est fait pour qu’on ait une morale, qu’on se conduise bien, qu’on respecte les autres etc… Si on n’a pas ça, ça devient n’importe quoi ! » J’ai simplement répondu : « Mais, il n’y a pas besoin des religions pour ça. Une belle philosophie suffit ! » Et c’est là que de temps en temps, j’explique l’importance de croire en quelqu’un, de faire référence à quelqu’un, qui m’accepte et qui m’aime comme je suis. Et bien sûr pour moi, ce quelqu’un, c’est Jésus, je ne fais pas référence à une morale, à des lois auxquelles il faut obéir, je rencontre quelqu’un et ça change tout. En tous les cas, ça a changé toute ma vie, c’est un réel bonheur. Je n’apprends rien à ceux qui m’entendent régulièrement. Rien de nouveau. Simplement, est-ce l’effet de l’âge ? De plus en plus, je me dis : ce bonheur, comment le proposer aux autres, pour que eux aussi puissent être heureux…  C’est souvent le cas dans nos familles, chez des proches, des amis, qu’on aime bien et qu’on voit parfois être en difficulté parce qu’ils ne partagent pas ce bonheur de croire. C’est vrai, je me pose la question que je n’ai peut-être pas fait tout ce qu’il fallait ; sous couvert de respect, j’ai peut-être été trop timide…

C’est là que l’évangile qu’on vient d’entendre peut nous éclairer : Juste avant l’évangile d’aujourd’hui, Matthieu raconte comment Jésus envoie les douze apôtres annoncer la Bonne Nouvelle, pas seulement prêcher mais la vivre en faisant du bien autour d’eux.  Mais ce qui me frappe dans ce qui est dit avant et aussi dans le texte d’aujourd’hui, c’est la description de ce qui risque de se passer, surtout de tout ce qui va mal se passer. Et Jésus enfonce le clou : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups… Prenez garde aux hommes ; ils vous livreront aux tribunaux et vous flagelleront dans leur synagogue …Vous serez traduits devant des gouverneurs et des rois, à cause de moi… Vous serez haïs de tous à cause de mon nom… » Pas très réjouissant tout cela ; cela se comprend, ces premiers chrétiens sont persécutés, ils ont vécu tout cela. Jésus prévient que cette Bonne Nouvelle qu’ils annoncent qui entre autres donne la première place aux pauvres, aux petits, aux étrangers, aux pécheurs et non à ceux qui se prétendent bons croyants et mieux que les autres…. Cette Bonne Nouvelle est loin de plaire à tout le monde surtout à ceux qui ont le pouvoir (même religieux) d’où la mise en garde de Jésus !

Mais aussitôt et c’est l’évangile d’aujourd’hui, Jésus répète : « Ne craignez-pas…Ne craignez pas… Soyez donc sans crainte ! » Et il explique en prenant l’exemple des moineaux, oiseaux sans grande valeur : « On vend deux moineaux pour un sou … » et pourtant Dieu y est attentif « vous valez bien plus que tous les moineaux du monde ! » Et pour Dieu, vous-mêmes vous comptez tellement que « même vos cheveux sont tous comptés ! » C’est une fois de plus un rappel que notre vie avec Dieu n’est pas marquée par un calcul entraînant une punition ou une récompense mais d’une relation d’amour…. Une phrase étonne et même détonne dans cette vision d’un Dieu aimant gratuitement : « Celui qui me reniera devant les hommes moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux » ! Cette phrase veut seulement dire que nous restons toujours libres de nous éloigner et de dire : « Je ne connais pas cet homme ». Mais nous savons bien que même celui qui s’éloigne, Jésus le poursuit et ne cesse de lui demander avec insistance : « M’aimes-tu ? »

Ce regard lucide de Jésus sur les risques de rejets que peuvent prendre les apôtres dans leur mission et en même temps le rappel d’un Dieu hyper-attentif à chacun et toujours plein d’amour, m’a fait penser à ce qui a été réfléchi hier en EAP à propos de ma retraite à venir et surtout sur les incidences sur les obsèques qui ne pourront plus être célébrés par le seul prêtre. Les réactions de certaines personnes  âgées exigeant pour eux des obsèques avec prêtres, parce qu’ils l’ont mérité et rétablissant, de fait, les classes : Les gens « biens » auront le droit d’avoir un prêtre, les autres ce sera les laïcs. En constatant comme Jésus les réactions des gens qui pourraient nous décourager comme auraient pu être découragés les apôtres à l’annonce de ce qui les attend comme réactions, nous sommes aussi amenés à entendre comme les apôtres le message d’attention, d’amour de  Dieu pour eux. Nous aussi nous avons à entendre Jésus nous dire : « Ne craignez pas, plus même regardez ce qui arrive comme une chance. Cela nous permet de nous rappeler une chose essentielle et ce sont les évènements qui nous invitent à y croire : La religion, n’est pas uniquement l’affaire des curés… Et surtout rappelons-nous le cantique déjà ancien et si juste : « Peuple de prêtres » : Nous sommes tous prêtres, et le prêtre est là par son ordination pour le rappeler à tous que notre mission de chrétien c’est d’annoncer et de révéler par nos actes l’amour de Dieu pour tous. Le regarder ainsi, grâce à l’évangile donne du sens à tout ce que nous vivons et permet d’espérer….

Daniel Bertècje