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Homélie du 14 juin 2020

HOMELIE   DU  14  JUIN   (Deutéronome 8,2-3,14b-16a. 1 Corinthiens 10,16-17. Jean 6,51-58)

Nous célébrons aujourd’hui la fête du Corps et du Sang du Christ… C’est une fête un peu compliquée alors on va essayer d’y voir un peu plus clair…Les mots qui reviennent souvent, c’est « faire mémoire…. Se souvenir  » Ainsi que la notion de  «  sacrifice » : avec la répétition dans Jean de la « chair et du sang » de Jésus qu’il nous faut manger et boire à chaque messe !

Commençons par cette histoire d’affirmation de Jésus que les Juifs (et on les comprend un peu) vont rejeter… Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Jésus qui se donne en nourriture et il le dit crument : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ! » Et d’ailleurs on appelait la messe le Saint Sacrifice.

Essayons de mieux comprendre en résumant rapidement le sens de cette  notion de sacrifice et son évolution dans l’histoire du peuple de Dieu  Au début de l’histoire biblique, le peuple hébreux pratiquait, comme beaucoup d’autres peuples, des sacrifices sanglants, d’humains et d’animaux , pour s’attirer les bonnes grâces des dieux.  Pour entrer dans le monde du Dieu de la vie, on lui rendait ce qui lui appartient, la vie, donc on tuait… La première étape de la « pédagogie biblique »  fut l’interdiction des sacrifices humains à travers l’histoire d’Abraham et la parole définitive de Dieu au moment du sacrifice : « Ne lève pas la main sur l’enfant ! »  La deuxième étape, c’est à partir de Moïse, en gardant les sacrifices d’animaux, celui-ci lui donne un autre sens que celui de calmer la colère de Dieu, mais plutôt le signe d’une alliance avec le Dieu qui se veut libérateur, qui veut le bien de son peuple et va l’aider à vivre cette libération. Et donc ce qui est important, bien plus que l’offrande elle-même, c’est le cœur de celui qui offre, un cœur qui aime. Et petit à petit, on va évoluer jusqu’à cette phrase que Jésus va d’ailleurs reprendre : « C’est la miséricorde que je veux et non les sacrifices… » En résumé, on découvre que le véritable sacrifice que Dieu attend de nous : Sacrifier (c’est-à-dire faire du sacré),c’est entrer en communion avec le Dieu de la vie, ce n’est pas tuer ; c’est vivre et faire vivre nos frères en devenant leurs serviteurs. C’est ce Jésus serviteur qui s’offre à nous, comme signe de son amour gratuit pour nous, que nous célébrons à chaque messe.

Et d’ailleurs toute cette réflexion nous invite à revoir notre idée de Dieu qui a évolué… C’est ce qui permet aux juifs de relire leur histoire dans la première lecture. Ce livre du Deutéronome n’est pas de Moïse ; il a été écrit bien longtemps après lui, mais il est relu pour servir aux Juifs de comprendre leur vie contemporaine à partir de l’idée qu’ils se font de Dieu. Et nous aussi pouvons le relire facilement à partir de ce que nous sommes en train de vivre en ce moment pour y trouver du sens et surtout corriger certaines erreurs. L’auteur raconte la sortie d’Egypte des Juifs voulue par Dieu pour les sortir de l’esclavage et son passage dans le désert pour gagner la terre promise… « C’est lui qui t’a fait traverser ce désert, vaste et terrifiant, pays des serpents brûlants et des scorpions, pays de la sécheresse et de la soif… »  C’est la constatation de ce qui se vit, nous n’avons pas de mal à y trouver un parallèle avec ce que nous vivons : Ce virus qui empoisonne le monde entier, qui fait peur. Et facilement, encore aujourd’hui, certains y voient la punition de Dieu par rapport à un peuple désobéissant à ses commandements et donc qui n’a que ce qu’il mérite, et alors il faut atténuer la colère de Dieu par la pénitence et les sacrifices. Certains autres déplorent son injustice par rapport aux innocents qui meurent etc…  Ce n’est pas du tout comme cela que l’auteur invite ses contemporains à voir l’action de Dieu : « C’est lui qui t’a fait sortir d’Egypte, de la maison d’esclavage, qui t’a fait traverser ce désert, te guérissant des morsures de serpents et de scorpions, faisant jaillir de l’eau et te donnant une nourriture la manne » Et donc, il n’est pas question de punition, c’est le contraire : C’est un Dieu qui libère, qui accompagne son peuple, qui l’aime…Et l’auteur va encore plus loin dans la compréhension : Cette longue marche dans le désert, c’est pour éprouver , savoir ce qu’il y a dans le cœur de chacun, faire connaître la pauvreté, ressentir la faim… » Ce n’est pas pour punir, c’est pour être ramené à l’essentiel ! Ce que nous vivons aujourd’hui va exactement dans le même sens. Nous sommes invités à relire cette vie en y ressentant une invitation à un changement total de mentalité sous peine de mort : Allons-nous continuer, oui ou non, à faire de notre monde une terre d’injustice où l’argent est roi,  où les pauvres crèvent de faim, où, par intérêt de quelques-uns, on détruit la planète. Aujourd’hui, ce Dieu d’amour nous répète : « Souviens-toi », « N’oublie pas »

Toute cette évolution dans la compréhension de Dieu, de son visage pleinement révélé en Jésus, est là pour nous aider à corriger ce que c’est pour nous qu’aimer, en étant serviteur et en nourrissant de notre amour…

Cette semaine, j’ai rencontré une grand-mère qui m’a parlé de son repas de fête des mères avec ses enfants et petits-enfants. Ils ont discuté de leurs vacances prochaines de huit jours en Normandie  avec deux de ses filles et tous ses petits-enfants. Ils ont essayé de se répartir les chambres, en mettant ensemble les cinq petits-enfants. A un moment l’aîné des petits enfants s’est mis à pleurer (ses parents ne pouvaient pas venir) en disant qu’il ne voulait pas venir pour se retrouver avec les autres enfants. Il aime bien être seul, dans le calme, ce qui risquait de ne pas être le cas. Une de ses tantes lui a expliqué que quand elle était gamine, elle était allée en colonie de vacances et les trois premiers jours, elle avait  pleuré le soir, tellement elle s’ennuyait, après ça a été mieux et même tout à fait bien… « Tu vois, essaye, tu vas aussi aimer… » Le gamin ne changea pas d’avis… Une autre tante alors lui dit: « Si tu veux, tu dormiras dans ma chambre.. » Alors il a accepté. Il y a de multiples manières  de regarder ce fait : On peut se dire,qu’est ce que c’est que ce gosse gâté dont on fait tous les caprices, on ne va quand même pas sacrifier les autres pour un. Ça peut aller jusque : « Il y a des claques qui se perdent… » C’était une méthode d’éducation à une certaine époque ! Là, on a laissé personne en route, on a agi pour que tout le monde en ressorte heureux. Quelle belle évolution !.

Daniel Bertèche