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Homélie du 24 mai 2020

HOMELIE  du  24 Mai           (Jean 17, 1b-11a)

Ce texte de Jean paraît bien emberlificoté à première lecture, cette répétition des mêmes mots dans un sens dans l’autre paraît bien étrange à nos écrits structurés et logiques de gens de l’occident. Et pourtant, quand on plonge dedans, qu’on se laisse emporter par ce qui est dit, quelle richesse, quelle profondeur. Jean précise bien qu’il s’agit d’une prière de Jésus à son Père dans un moment important, difficile pour lui, juste avant sa passion et sa mort. Cela donne encore plus d’épaisseur aux paroles prononcées. Dans cette prière, Jésus nous dévoile la qualité de la relation entre lui et son Père ; nous savons que c’est une histoire d’amour… Ce mot amour n’est jamais prononcé et j’aurais envie de dire, tant mieux, car Jean nous aide à voir à travers cette relation du Père et du fils, ce que c’est concrètement qu’aimer…Nous savons bien que parfois on peut faire dire n’importe quoi à l’expression « aimer Dieu, aimer son prochain… » Là, nous allons avoir un bel éclairage sur Dieu mais aussi pour nous !

Et d’abord, il y a trois verbes répétés qui qualifient ce qu’est aimer : « donner », y est neuf fois ; « glorifier et gloire », y est six fois et « connaître » cinq fois.

Prenons le verbe donner et commençons par l’expression : « Il donnera la vie éternelle. » Premier rappel peut-être : La vie éternelle n’est pas au bout de nos efforts et de nos mérites, elle est don gratuit de Dieu. Par sa répétition, cette logique du don est inscrite très fortement dans ce texte : « Le Père a donné autorité au Fils, le Fils donnera la vie éternelle aux hommes, le Père a donné ses paroles au Fils, le Fils a donné ces paroles à ses frères… » L’insistance de Jean sur le mot donner rejoint toute la méditation biblique : il y a un monde entre l’attitude de l’homme qui veut se hisser par ses propres forces jusqu’à l’intimité de Dieu et celui qui se sait tout petit et attend d’être comblé. En conclusion, le don n’est pas à sens unique, il y aurait celui qui donne et celui qui reçoit…. Non, c’est un échange de dons, chacun à sa manière donne et reçoit. Voilà un bel éclairage pour nos relations d’amitié ou d’amour !

Le deuxième verbe est le verbe glorifier : « Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie » (nous sommes toujours dans l’échange…)  La définition  de la « gloire de Dieu » dans l’évangile de Jean, c’est l’amour de Dieu pour l’humanité, c’est l’accomplissement de ce dessein d’amour. C’est très intéressant pour nous dans notre relation avec les autres : Les aimer, c’est les glorifier, c’est les mettre en valeurs, c’est reconnaitre en eux toutes les richesses, c’est mettre en avant, à commencer par les moins reconnus, toute leur dignité. Si on fait l’expérience dans notre rencontre avec les autres de notre souci de les mettre en valeur, de les glorifier (« pour de vrai » bien sûr, ce n’est pas un truc), de rendre compte de ce qu’on est capable de reconnaître au profond d’elles-mêmes des richesses de vie…. Alors quelle force, on leur donne à travers cette reconnaissance, quelque part, on les fait exister. Quelle belle relation à l’image de Dieu, nous pouvons vivre avec les autres. Glorifions-nous les uns les autres….

Enfin, il y a le verbe « connaître » : « La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul, le vrai Dieu et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. » Dans la Bible, le verbe « connaître » c’est aimer, c’est même aimer physiquement. C’est vrai pour nous aussi, pour aimer Dieu, il faut savoir qui il est réellement, il faut le connaître et aujourd’hui nous avons avancé un peu sur le chemin de la connaissance d’un Dieu qui donne gratuitement, qui nous glorifie et nous connaît parfaitement « puisqu’il connaît le fond du cœur de chacun ».Cela permet de changer les idées anciennes d’un Dieu qui punit, qui en fait ne nous aimerait pas tant que cela… Reconnaître ce Dieu qui nous aime merveilleusement parce qu’il nous connaît avec le cœur, nous donne la possibilité et la force d’aimer les autres en les connaissant aussi du fond du cœur…

Hier, l’Equipe d’Animation Paroissiale élargie de St Airy de la Woëvre, après avoir réfléchi sur cet évangile d’aujourd’hui a évoqué, entre autres,  la possibilité donnée à partir de dimanche de célébrer à nouveau les messes dans les églises ; avec une réglementation liée à la lutte contre le Coronavirus…  Règles qui ont surtout pour but de s’éviter pour ne pas répandre une contamination : Entrée d’un côté, sortie de l’autre, une personne tous les mètres cinquante dans les rangées, une rangée occupée sur deux, masques obligatoires. En fait, une communauté qui n’en est pas une, disséminée dans l’église. La seule raison et le seul but, c’est de recevoir la communion, le corps de Jésus… Cette présence de Jésus dans l’eucharistie est un sacrement, c’est-à-dire un signe et un rappel important de cette présence de Jésus dans tout ce qui fait la vie du monde… Rappelons-nous ce que Jésus dit en Galilée, c’est-à-dire en pleine vie : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde… » Quel sens ça a une communauté dont le seul but est que les personnes  ne se rencontrent pas ; dont sont exclues toutes les personnes fragiles ou celles qui ont peur (et on peut comprendre etc…) ou celles à qui on interdit de sortir ! Comment être signes de Jésus Christ, dans une telle célébration ? Continuons plutôt à retrouver  dans nos « Galilée » ce Jésus qui se donne à nous et nous permet de recevoir et de donner, ce Dieu qui nous apprend à glorifier l‘autre comme Il nous glorifie et enfin à connaître ce Dieu et à connaître les autres avec le cœur.

Daniel Bertèche