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Homélie du 3 mai 2020

  HOMELIE  du  3 Mai    2020     Le bon pasteur, le bon berger   (Jean 10, 1-10)

Cette parabole du berger (et de la porte !) a inspiré beaucoup de personnes que j’ai rencontrées cette semaine, par audio conférence, téléphone ou autre moyen de communiquer… Aussi cette homélie, elle est un peu de moi (surtout pour la mise en forme et l’éclairage biblique) mais surtout d’un certain nombre parmi vous (ils se reconnaitront, du moins je l’espère) et je trouve ça super que cette homélie soit vraiment à plusieurs voix (cela me permet de préciser que dans ce commentaire il y a des « je » qui ne sont pas moi !)…Et d’ailleurs chacun et chacune de vous qui la recevez auriez pu aussi apporter un éclairage ou un fait de vie…

Ces deux petites paraboles, Jean le précise s’adressent aux pharisiens et donc à leur manière de croire en Dieu. Ils étaient des juifs très pieux qui avaient un sens particulièrement vif de la grandeur de Dieu… Pour eux, Dieu c’est le Tout puissant alors que pour nous, même s’il est le Tout-Autre, il est surtout le Tout-Proche. Mais il semble bien qu’ils avaient tellement le « sens du sacré », comme on dit, qu’il leur était impossible de prêcher la proximité de Dieu. Avant de vous laisser la parole, je préciserai quelque chose qui a pu troubler l’un ou l’autre : A partir de la phrase : « Quand le berger a poussé dehors toutes les SIENNES , il marche à leur tête etc… » Cela pourrait vouloir dire que le berger s’occupe de SES brebis et qu’il n’en a rien à faire des autres… Ce qui ne serait pas très « évangélique » ! En fait à cette époque (comme encore aujourd’hui en montagne), dans la même bergerie pour la nuit il y avait plusieurs troupeaux avec chacun leur berger et donc cette expression ne nous parle pas de privilège, au détriment des autres, mais de proximité….

Quel beau visage de Dieu m’est révélé dans ce texte ! Un Dieu d’une tendresse inouïe. C’est le berger, non d’un troupeau anonyme, mais il connait chacune de ses brebis, les appelle chacune par leur nom, aucune n’est noyée dans la masse. Ce berger est tout proche, il les laisse libres d’aller et venir, les invitant à trouver un pâturage, à trouver le bonheur. Tout est vécu dans une relation de connaissance, de reconnaissance, d’amour. Et si ce berger invite chaque brebis à passer par la porte, c’est-à-dire par lui, c’est pour les inviter à aller et venir, découvrir par elles-mêmes ces verts pâturages. Il ne leur impose rien, il les croit capables tout simplement. Il nous croit capable dans une grande liberté.

Et comment voir ce visage de Dieu révélé en Jésus à travers ce berger ?

Pour ma part je l’ai vu dans tout ce vécu, ces témoignages lus dans le « Femina » de dimanche dernier (Supplément à l’Est Républicain), ces témoignages tout simples que je relis comme des paraboles

–           Cette libraire dont le magasin est fermé a accepté de travailler comme hôtesse de caisse. « J’éprouve autant de fierté aujourd’hui d’avoir travaillé dans cette supérette que de conseiller mes clients dans ma librairie. Je ne me suis jamais sentie aussi forte ».

–           Cette kiné, qui s’est engagée à l’hôpital, est restée seule dans son appartement pour protéger son mari et sa fille de 3 ans partis en Bourgogne chez les parents du mari. « Je ne me serais jamais crue capable de me séparer de longues semaines de ma fille de 3 ans. Mais ne plus penser à moi, cela porte, cela transcende, cela grandit. Je le fais aussi pour ma fille plus tard, je suis sûre qu’elle comprendra ».

–           Cette avocate s’est inscrite sur une plateforme d’entraide, au départ surtout pour avoir l’occasion de sortir un peu : «  C’était pour la bonne cause mais cela restait un peu égoïste ! Me retrouvant aux restos du cœur à tendre des colis alimentaires à des personnes à la rue, ça a été un choc. Dans mon métier d’avocate, j’ai pourtant le sentiment d’être utile. Je crois que c’est la première fois que je me suis sentie solidaire, à ma place finalement. Ma mère a dit :    ‘’ Mais on nous l’a changée ! ‘’ J’ai aussi servi d’exemple à mon copain qui désormais fait les courses pour deux vieilles dames et sort leur chien. Je suis fière et cela a quelque chose de grisant ».

–           Paul 73 ans est retraité « Jusqu’ici je jouais au golf, je cuisinais en m’occupant occasionnellement de mes petits-enfants. Une petite vie bien égoïste en somme. Là, j’ai repensé à mes parents, immigrés italiens venus en France pour fuir la misère. Ils n’avaient rien mais ils étaient riches de tout, surtout d’amour et de générosité. Je l’avais oublié. Moi je suis bilingue. Depuis 10 ans à la retraite, je ne comprends pas pourquoi je n’ai pas eu l’idée de donner des cours d’anglais à des jeunes. Le confinement m’en a donné la possibilité grâce à internet. Cela fait du bien de se sentir comme un maillon d’une chaîne de vie et d’espoir. »

Toutes ces personnes découvrent un lieu de passage, se découvrent par elles même capables de plus grand, plus beau, chacune se révèle dans une vie grandie, augmentée, une vie en abondance qui leur procure un réel bonheur. Cette joie qui les soulève, qui me soulève quand je lis leurs témoignages  me montre que là est le chemin du vrai berger.

Daniel Bertèche