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Homélie du 19 avril 2020

HOMELIE   DU  19  AVRIL   ( Jean 20, 19-31)

Si on voulait mettre cet évangile au goût du jour, ou plutôt à la difficulté du jour, on pourrait le traduire ainsi : les apôtres sont confinés (ils sont peut-être un peu trop nombreux ensemble !) Ils se sont barricadés et ont verrouillé les portes par crainte et pour se protéger du Corona virus. Ce peut être intéressant de relire ce texte ainsi, cela nous permet de voir quelle a été la réaction de Jésus avec les apôtres, réaction qu’il a, aujourd’hui, vis-à-vis de nous qui vivons une situation semblable :

D’abord, alors que tout est verrouillé, Jésus est là !  Il dépasse tous les obstacles, rien ne l’arrête, malgré les apparences contraires, il est là. C’est déjà quelque chose de capital, malgré l’impression de son absenc, vu tout ce qui se passe et la peur que cela engendre… Aujourd’hui encore, il est là au milieu de nous et il nous dit (trois fois dans le texte, il nous faut au moins ça) « La paix soit avec vous ! » Ce n’est pas une formule liturgique, c’est : « Soyez sans crainte, n’ayez pas peur, ayez au fond du cœur cette paix, cette paix intérieure, qui vous permet de tout bien vivre, car je suis là, je ne vous abandonne pas ! » Et nous verrons tout à l’heure, comment cette présence de Jésus a de l’importance et en même temps (comme Saint Thomas) la difficulté que nous avons à y trouver là, dans la situation d’aujourd’hui, des signes qu’il est vivant. Et pourtant en  même temps qu’il leur manifeste qu’il est vivant, et le message qui est lié, c’est que l’amour est plus fort que toutes les morts, il les envoie, il les charge d’annoncer cette bonne nouvelle. Il nous envoie aussi annoncer cette bonne nouvelle, après nous avoir donné l’Esprit d’amour …

Dans cet envoi de Jésus, il y a une phrase étonnante : « Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » On a longtemps pensé que Jésus parle du pouvoir donné au clergé par la confession de remettre les péchés… «  En fait, il nous envoie annoncer que le seul péché, celui qui est à la racine de tous les autres  c’est de ne pas croire à l’amour de Dieu : vous donc, je vous envoie, allez annoncer à tous les hommes l’amour de Dieu. Reste la phrase : A qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. Etre maintenu dans son péché, c’est ignorer l’amour de Dieu. Il dépend de vous, dit Jésus, que vos frères connaissent l’amour de Dieu et en vivent….. » Cette dernière phrase entre guillemet n’est pas de moi, je l’ai volontairement recopiée ; elle est de Marie Noëlle Thabut, une bibliste, je partage totalement sa manière de penser, c’est pour manifester que je ne suis pas seul à penser que Dieu n’est qu’amour que je vous cite ses mots mêmes ! Il y en a encore qui doutent !

Et d’ailleurs elle se sert aussi de son expérience de mère pour démonter les fausses images de Dieu, justicier, vengeur ou laxiste : « Nous qui sommes des parents tellement imparfaits, nous sommes incapables d’en vouloir durablement à un enfant ou de lui souhaiter du malheur. Jamais. Et Dieu sait s’ils ont pu nous faire pleurer parfois. Or Dieu n’est pas pire que moi… » Quelle belle réflexion à répéter sans cesse.

La réaction de Thomas que nous connaissons bien, c’est même devenu un dicton : « Moi, je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois…. » Aujourd’hui, nous avons à vivre cette réflexion à l’envers : la marque des clous, le signe de la lance dans son côté, les signes de mort de Jésus, nous les voyons, nous les vivons… Ce qui nous est difficile, c’est de relire ces signes, qui sont des signes de mort pour y découvrir des signes de résurrection…

Ce qui est sûr, c’est qu’à travers cette pandémie, face à ce virus, il n’y a plus ni pauvre, ni riche, ni savant ni illettré, ni puissant ni dominé, ni blanc ni noir, tout le monde est égal. Il n’y a même plus les personnes qui savent et les ignorants. Tout le monde est perdu, les plus humbles parmi les savants reconnaissent combien tout ceci est nouveau donc inconnu ! Et si cet évènement qui tape dur (mais il est sûrement nécessaire que ça tape dur) pouvait changer nos mentalités pour arrêter la course à l’argent, pour toujours placer la personne humaine en premier, pour remettre en cause nos sociétés qui fabriquent  toujours plus des pauvres de plus en plus pauvres et des riches de plus en plus honteusement riches avec toutes les conséquences que cela comporte dans notre manière de penser et de vivre.

Je suis particulièrement heureux de voir ce souci au niveau du Secours Catholique Meuse Moselle. La situation aujourd’hui : impossibilité de se réunir, de construire des projets ensemble, de réfléchir sur sa vie etc… réduit l’action du Secours Catholique à une distribution de chèques services pour subvenir aux besoins immédiats. Ce qui fait que cette manière d’agir renvoie ces personnes à des conditions d’assistées, d’incapables de gérer leur vie… Alors comment faire pour qu’ils redécouvrent qu’ils ne sont pas des paresseux qui n’ont que ce qu’ils méritent ! Alors comment les aider à redécouvrir qu’à nos yeux et par conséquence à leur yeux, ils sont quelqu’un, ils ont une dignité de personne humaine que nous reconnaissons, et que cela ne se résume pas à une distribution de chèques service. En conséquence, des bénévoles ont prévu retéléphoner aux personnes qu’ils ont rencontrées pour une remise de chèque, pour tout simplement leur demander comment ça allait, un échange totalement gratuit, dans l’amitié, manifestant par là qu’à nos yeux, ils ont beaucoup plus de valeur que l’argent dont ils ont besoin .

Je terminerai par un passage de l’homélie du pape François sur ce sujet qu’il a prononcée le 28 Mars : Il parle du fossé entre l’élite des chefs religieux et le peuple : « Ce mépris pour les gens ‘qui ne sont pas éduqués comme nous qui avons étudié, qui savons ‘ Mais au contraire, ajoute le pape, le peuple de Dieu a une grande grâce : son flair. Le flair de savoir où se trouve l’Esprit. Il est pécheur, comme nous : il est pécheur. Mais il a ce flair pour connaître les chemins du salut. Le problème des élites, des clercs d’élite comme ceux-ci, c’est qu’ils ont perdu la mémoire de leur appartenance au Peuple de Dieu ; ils sont devenus sophistiqués, ils sont passés à une autre classe sociale, ils se sont sentis comme des dirigeants. C’est le cléricalisme qui était déjà là. »

Pour reprendre les mots du pape : Plutôt que de faire la morale, de nous réfugier derrière une certaine réussite, essayons de repérer ce flair chez les plus petits, les plus pauvres, ce flair de savoir où se trouve l’Esprit… » Il faut bien un coronavirus en nous pour chasser tout ce qui nous empêche de  repérer ce flair et nous en réjouir…

Daniel Bertèche