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Homélie du 9 décembre 2018

 HOMELIE   DU  9  DECEMBRE     (Luc 3,1-6)

Tout le 1er paragraphe de l’évangile que nous venons d’entendre nous situe précisément la période et le lieu où va se passer cet évènement exceptionnel de la présence du messie. Cette précision du temps et du lieu est vraiment là pour nous dire que ce n’est pas une invention, une illusion, ces points de repères précis sont là pour en témoigner : « L’an quinze du règne de Tibère, l’empereur romain… » On ne peut pas mieux que celui qui domine tout le bassin méditerranéen pour situer l’évènement… Ensuite Luc énumère tous les responsables politiques des différentes régions d’Israël d’abord : La Judée et la Galilée, mais aussi des territoires païens : L’Iturée, la Traconitide, l’Abilène…Ce n’est pas pour rien qu’il mentionne ces régions païennes : Dès le départ Luc, dans son évangile, précise que ce message de Jésus n’est pas réservé aux seuls juifs mais au monde entier ! En plus des hommes politiques, il y a aussi les responsables religieux de l’époque qui sont mentionnés,  ce qui peut paraître normal. Tout le monde est concerné par l’évènement et d’ailleurs tous ces personnages : Ponce Pilate, Hérode, Hanne et Caïphe vont directement être impliqués dans la passion et la mort de Jésus.

Aussitôt après cette énumération (longue) de ces lieux et ces personnalités, on en arrive au cœur du sujet : « La parole de Dieu fut adressée… » à qui ? A un de ces responsables politiques ? Non, bien sûr ! A un responsable religieux ? Non plus mais à un illustre inconnu : Jean et Luc précise : le fils de Zacharie… Et où cela se passe : A Jérusalem ? Au temple ? A un lieu où il y a du « passage » pour que la Bonne Nouvelle soit au moins entendue par du monde ! Pas du tout : « Dans le désert ! » On imagine bien que cette description presque minutieuse n’est pas là pour satisfaire notre curiosité mais on devine bien le message qu’il y a derrière : Cette rencontre avec Jésus dans notre vie d’aujourd’hui ne se passe pas là où habituellement on l’attend, chez ceux qui sont pour nous des références… En tous les cas pas dans le désert de nos vies ! Et pourtant…

Mais Luc précise bien que pour le découvrir, le rencontrer, il nous faut « Préparer le chemin du Seigneur, rendre droit ses entiers… » et surtout : « Tout ravin sera comblé, toute colline et montagnes abaissées… »  Cela me parle : Ces ravins, c’est moi qui bien souvent les creuse, ces montagnes qui m’empêchent de voir et d’admirer ce messie en action encore aujourd’hui, c’est aussi moi qui les élève ! Ma conversion, elle est là !

Suite à cette réflexion, je me suis posé la question de voir concrètement comment ce texte m’interpelle aujourd’hui : quel est le ravin à combler, la montagne à raboter pour être en état d’accueillir, d’admirer ce messie qui vient ? J’avoue avoir choisi un sujet compliqué parce que ça « frotte » drôlement de s’y arrêter (chez moi en premier !) : Les gilets jaunes ! Comment les regarder à la lumière de  cet évangile ? Je ne prétends pas avoir le regard même de Jésus sur ces personnes, il y a,  j’en suis conscient, bien des réticences dans ma réflexion,  mais l’important est d’essayer. La première constatation, c’est que la majorité de ces personnes est formée de gens simples, des petits, des pauvres, leur manière de s’exprimer, leurs revendications un peu simplistes, en témoignent…. Et la réflexion dans la Foi qui en découle c’est : « La Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres… » Réflexion complétée fort justement  par Dominique Fontaine, l’ancien aumônier national du Secours Catholique : « La Bonne Nouvelle est annoncée PAR les pauvres… » Cela va loin (trop loin ?) Cette semaine, à l’émission « Envoyé Spécial » après un reportage sur les violences de la manif à Paris, il y avait un sujet sur les « pauvres » fortement endettés, dans des situations assez inextricables ! On pouvait en ressortir en se disant, ils l’ont bien mérité : Il y avait, entre ’autres, un homme qui pensait plus important de se racheter plutôt une télé que de payer son loyer ! Ou de dépenser des sommes importantes pour des besoins non-prioritaires (à nos yeux) ! Tous (moi-aussi) nous avons des arguments pour trouver à redire sur leur comportement, ils prêtent facilement le flanc à une critique et même à une condamnation. Et pourtant, l’évangile est là, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette réflexion qui maintient et justifie les ravins et les montagnes qui séparent. Où est la Bonne Nouvelle annoncée par ces gilets jaunes ? Elle est dans ce refus de ne pas être respectés dans leur dignité et cette volonté de lutter ensemble, elle est dans le caractère pacifique de beaucoup… Mais plus concrètement dans ce jeune, au chômage depuis plusieurs années, et tout heureux et tout fier de se lever tôt le matin pour partir avec son père rejoindre les autres gilets jaunes à une intersection de route… Il y a surement beaucoup de belles choses vécues mais que nous ne connaissons pas, elles ne sont pas sur la place publique, cela se vit, ne l’oublions jamais, en plein désert et… on a du travail pour combler les ravins et raboter les montagnes…

Daniel Bertèche