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Homélie du 16 septembre 2018

    HOMELIE   DU  16   SEPTEMBRE      (Isaïe 50,5-9a. Jacques 2,14-18. Marc 8,27-35)

Ces trois textes à première lecture sont assez déconcertants et je peux dire que je comprends tout à fait la réflexion de Pierre qui corrige Jésus en lui faisant de « vifs reproches » parce que ce qu’il vient de dire est tout à fait intolérable. En effet Pierre vient de dire à Jésus qu’il croit que c’est lui le Messie qui vient sauver Israël… Et sous ces mots, comme tout bon juif, Pierre pense que Jésus vient rétablir la justice, soulager tous ceux qui souffrent, libérer Israël du joug des Romains, faire en sorte que la vie favorise ceux qui sont  fidèles etc…En tous les cas utiliser pouvoir et domination pour parvenir à établir le règne de Dieu… Voilà ce qu’il croit de manière plus ou moins confuse… Et Jésus parle qu’il va devoir souffrir beaucoup, être rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes (c’est-à-dire tous les responsables religieux), être tué…. Bien sûr, il ajoute que le troisième jour, il ressuscitera mais comme Pierre ne sait pas ce que cela veut dire, il n’y a pas prêté attention. Donc, Jésus annonce pour lui l’échec, la défaite…Cela ne correspond pas du tout à l’attente des Juifs à travers l’ensemble des textes  de l’Ancien TestamentBien sûr, il y a bien eu un texte tout à fait marginal dans l’Ancien Testament, celui qui nous venons d’entendre, qui reprend les mêmes expressions que Jésus dans la première lecture : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe… » Mais quel sens positif peut avoir toute cette accumulation de misères librement consenties ? Ce ne peut être que révoltant quand même et on comprend et on partage la réaction de Pierre…L’éclairage nous vient du mot que Jésus emploie justement vis-à-vis de Pierre : « Passe derrière-moi, Satan ! » C’est ce mot Satan qui nous renvoie à l’attitude du serpent dans l’histoire d’Adam et Eve au Paradis terrestre ! Rappelons-nous Adam, le soupçonneux qui suspecte les intentions de Dieu et qui croit avoir tout compris en écoutant la petite voix (du serpent, le signe de Satan) qui lui susurre que Dieu est jaloux de sa créature… Celui qui a composé le récit de la faute d’Adam a justement voulu montrer que cette méfiance viscérale est à l’origine de toutes nos fausses routes et de nos malheurs, qu’elle nous conduit à la mort parce qu’elle nous sépare de Dieu qui est notre source vive. Cette méfiance est à l’inverse du serviteur du texte d’Isaïe : Lui vit selon la confiance à l’égard de Dieu, abandon serein à sa volonté parce qu’il sait d’expérience que sa volonté n’est que bonne ce qui entraîne une regard tout différent de la vie : Pour les uns, la méfiance, le soupçon porté sur les intentions de Dieu entraîne la révolte devant les épreuves alors que la confiance nous amène à faire le pari du sens pour tout évènement, comme le répète Saint Paul : « Faites confiance à Dieu quoiqu’il arrive ; de tout mal, de toute difficulté, de toute épreuve, il fait surgir du bien. » Dans la Foi, dans la confiance, résumé en une phrase on peut dire : De toute forme de mort, naît toujours la résurrection. Mais pour ressusciter, il faut accepter de mourir !Concrètement, comment le voir, comment cela peut se vivre ! La vie est toujours plus éclairante.

Dernièrement, à l’occasion d’une préparation au baptême, j’ai pu longuement discuter avec la maman du futur baptisé qui est jeune médecin. Elle m’a très vite appris qu’elle était diabétique évoquant simplement toutes les conséquences par rapport à sa vie ! En employant la mentalité d’Adam, elle aurait pu me dire qu’elle n’avait pas de chances, que ce n’était pas juste vu le bien qu’elle faisait en étant médecin, soupçonnant Dieu de ne pas être « correct » en lui envoyant cette difficulté, pouvant même conclure qu’elle pourrait surement beaucoup mieux exercer sa profession si elle était en pleine forme ! Cela n’a pas du tout été sa réaction, tout de suite elle m’a montré qu’elle relisait cette difficulté comme une « chance » (même si elle n’a pas employé le mot, soyons honnêtes !) pour comprendre les malades qu’elle soigne atteint de cette même maladie, insistant pour reconnaitre en elle la même envie que ses patients d’enfreindre de temps en temps le régime pour vivre un peu comme tout le monde. Et je me disais en l’écoutant :  « Qu’est-ce qu’elle doit bien aider ses malades à bien vivre leur handicap, en les comprenant de l’intérieur, en partageant leur propre difficulté, en ne les jugeant pas, surtout en ne les condamnant pas… » Et cela se sentait dans tout son comportement, y compris vis-à-vis de moi, dans sa manière de m’accueillir, de s’intéresser à ce que je vivais, je ne la connaissais pas du tout et quand je suis reparti elle a tenu à me faire la bise. Cette chaleur humaine que j’ai ressentie qu’elle communique à son mari et même à son enfant tout souriant, je ne peux m’empêcher de penser que c’est grâce à son état ; état qu’elle accepte, qui ne s’arrête pas avec cette forme de mort qu’est la maladie, mais qui débouche sur la plus belle des résurrections, celle de l’amour… Mais pour y arriver, il ne faut pas être méfiant mais confiant ; La résurrection est à ce prix.

Daniel Bertèche