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Homélie du 2 février 2020

HOMELIE   DU  2  FEVRIER    (Luc 2,22-40)

Quand le 2 Février tombe un dimanche, on célèbre la fête de la Présentation de Jésus au temple. En accomplissant ce geste, Marie et Joseph ne font qu’obéir à la Loi : « Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur… » C’est là une fois de plus qu’on nous montre combien Jésus partage totalement notre humanité. Et pas n’importe quelle place dans cette humanité, on s’en aperçoit dans leur manière d’offrir le sacrifice prescrit par la loi : « un couple de tourterelles ou deux petites colombes… » Mais cela, c’est ce qui est prévu pour les plus pauvres pour la purification de la mère, alors que si on a un peu d’argent, c’est un mouton qu’on offre et si on a encore plus, ça peut être un bœuf. Et cela a dû être, déjà là, une difficulté pour les contemporains de Jésus d’admettre et de reconnaître en ce fils de pauvre le messie. Quand même le messie est de la descendance du roi David, le roi David, ça a une autre résonnance, c’est quand même plus près de Dieu, par sa puissance, que ce gosse de très pauvre ! Et puis cette nécessité du rite de la purification de Marie montre qu’elle va jusqu’au bout de la réalité de sa maternité (cf une homélie précédente à propos du dogme de l’Immaculée Conception !).

C’est en cet enfant, de condition très modeste, que deux personnes, deux vieillards, vont découvrir le but et le bonheur de leur vie, le messie. Ce n’était tellement pas évident que même les parents de Jésus vont tomber des nues : « Le père et la mère de l’enfant s’étonnaient de ce qui était dit de lui ! »  Comment notre gamin : « C’est le salut, la lumière des nations etc… » Incroyable ! Ce n’est vraiment pas dans cette direction que nous tournerions notre regard. Vous connaissez l’expression que je cite très souvent : « Les pauvres sont nos maîtres ! » ça, c’est le discours car ce matin même j’ai eu une femme des gens du voyage qui venait me demander un peu d’argent. Je n’ai pas pris le temps de discuter avec elle, ni même d’écouter ce qu’elle me disait (elle évoquait l’abondance de la pluie), je lui ai donné 5 euros et je m’en suis débarrassé  ainsi. Ça aurait pu être Marie ! Même si au niveau des idées, je suis assez au top, dans la réalité, dans le concret de la vie, ce n’est pas ça qui est ça. Mon accueil de cette femme des gens du voyage en est une preuve… (Bon, des fois je fais mieux quand même !)

J’éprouve le besoin de revenir à ces deux personnes âgées, celui qu’on appelle le vieillard Syméon et celle qui s’appelle Anne dont on prend bien soin de nous donner l’âge : 84 ans ! Habituellement quand on est une  personne âgée, très souvent, on n’attend plus rien de la vie et en même temps on critique tout ce qui se vit aujourd’hui, en déplorant tout ce qui s’y passe, les changements de mentalités, le chacun pour soi, le pouvoir de l’argent, la disparition de la solidarité, le rejet du pauvre, de l’étranger et en osant répéter que c’était mieux autrefois, dans notre jeune temps. Vous remarquerez que je connais bien tout cet arsenal d’arguments et cette manière de critiquer des plus anciens, et pour cause c’est une réflexion que je me surprends à faire surtout par rapport à l’Eglise et à son avenir (il faut reconnaître que j’ai l’âge pour réagir de cette manière !). Et en vous l’écrivant, je peux dire que je suis loin d’être persuadé d’avoir tort ! Et pourtant, j’ai à acquérir cette mentalité de ces deux vieillards… Ils attendent, l’esprit tourné vers l’avenir, sûrs de ne pas mourir avant d’avoir rencontré le messie. Et qui se bougent, qui prennent tous les moyens (il y a du mouvement !) pour être là pour découvrir et rencontrer le messie. Comme les autres personnes de leur temps, dont on a parlé tout à l’heure, ils ont dû changer l’idée qu’ils se faisaient du messie, ils ont accepté l’inattendu ! Et ils ont vu ! C’est ce qu’il me faut faire …

Au milieu de tous les propos qui sont tenus par certains habitants du village où sont arrivés des français en provenance de Chine, et qui ne sont pas tendres avec cette situation et même assez virulents (certains ont même évoqué comme solution à leur mise en quarantaine de les enfermer au Château d’If !), je terminerai par ce qu’a dit une vieille dame : « Mais bien sûr qu’il faut les accueillir, ces pauvres gens. Il fallait bien trouver un endroit ! Ici, c’est paradisiaque, ils vont pouvoir se reposer et tout ira bien. Nous devons tous faire preuve d’humanité et les accueillir comme il se doit. » A travers cette réaction, nous ne pouvons que penser à l’attitude d’Anne dans son esprit ouvert, du haut de ses 84 ans, prête à accueillir aussi. Cela nous permet de nous dire que pour nous aider à entrer dans cette mentalité d’ouverture et d’accueil, nous avons à repérer les Syméon et les Anne qui, comme cette femme de Carry, existent encore dans notre monde d’aujourd’hui. Nous avons à les admirer, elles nous indiquent le chemin de l’ouverture d’esprit qui en même temps qu’elles nous mènent vers l’autre, elles nous mènent à découvrir le visage toujours nouveau de Jésus dans les personnes les plus inattendues.

Daniel Bertèche