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Homélie du 12 janvier 2020

HOMELIE   DU  12  JANVIER     ( Matthieu 3,13-17)

Aujourd’hui nous nous rappelons le baptême de Jésus par Jean Baptiste. En lisant ce texte, on comprend tout à fait la réaction de Jean Baptiste  qui d’abord refuse de baptiser Jésus en lui donnant la raison : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi… » et non le contraire. Et Jésus insiste en lui disant qu’il comprendra plus tard la portée d’un tel acte. Cet acte de Jésus a bien embarrassé tous les théologiens à travers les siècles à la recherche de pureté, de perfection divine et donc par opposition à notre humanité pécheresse. On a été jusqu’à penser qu’en se faisant baptiser, il a fait semblant d’être un pécheur pour nous montrer l’exemple ! Faire semblant, quelle énormité, Jésus serait un semblant d’homme qui tout en gardant sa divinité nous jouerait un cinéma ! Et si tout simplement, il avait vécu, partagé totalement notre condition d’homme ; en nous rappelant, en le vivant lui-même, que dans la condition d’homme, il y a le côté pécheur. Et c’est une réalité incontournable et importante… Ce n’est pas pour rien que nous commençons chaque messe en nous « reconnaissant pécheurs ! »  Non pas pour nous culpabiliser, nous coincer, nous humilier mais pour simplement nous reconnaître pécheurs, c’est-à-dire, de par notre condition  humaine, semblables aux autres, pas plus malins, pas meilleurs et donc pas supérieurs… Alors à cause de cela, nous reconnaître pécheurs, qu’est-ce que c’est important ! Et c’est ce que Jésus nous invite à vivre en le vivant lui-même, et donc pas en faisant semblant. Nous reconnaître pécheur ne nous entraîne pas vers une perfection inhumaine mais nous emmène vers l’unique chemin de l’amour vrai… Aimer vraiment, c’est oser reconnaître en soi ce qu’on peut déplorer chez l’autre, et cela change tout…

Une petite parenthèse à mes yeux qui n’est pas sans importance : A travers les siècles, l’Eglise a affublé les personnes importantes  de la Bible de titres exceptionnels, de réalités qui ont pu échapper à la réalité humaine… C’est surtout vrai pour Marie avec le risque de la traiter comme une déesse : Marie est née sans péchés d’après le dogme très récent de l’Immaculée Conception (c’est le thème retenu cette année à Lourdes, ça va être difficile pour moi de prêcher !) Marie est la mère de Jésus, mais elle est restée vierge quand même ! Comme si la virginité était supérieure à la maternité, c’est sympa pour toutes les mamans qui en accouchant, par le fait même, ont perdu cette virginité sacrée. On devine tous les excès qui découlent de cette conception même de ce qu’est l’humanité et de la divinité (n’oublions jamais que nous sommes créés à l’image de Dieu, et donc qu’il doit bien y avoir quelque chose de commun entre les deux).

Se reconnaître pécheur, ce n’est pas essayer, chercher à être parfait, ce n’est pas (quoiqu’en dise l’acte de contrition : « Je prends la ferme résolution de ne plus recommencer ») chercher à ne plus être pécheurs… Admettons que ce soit vrai, qu’on ne soit plus pécheur ou même moins pécheur que les autres, notre suffisance, liée à la belle conversion réussie, nous conduirait tout naturellement à nous pencher sur l’incapacité des autres à se convertir. Cette soit disant perfection, en les dominant, nous donnerait le droit de les juger (même avec componction) mais surtout  ne nous permettrait plus de les aimer en vérité.

Il y a peu de temps, sur Internet, est passé en boucle un reportage sur le pape serrant des mains au milieu de la foule au Vatican et qui à un moment alors qu’il partait d’un autre côté se fait agripper par une femme qui l’attire vers elle au risque de le déséquilibrer… Alors on voit le pape, dans un mouvement d’humeur, lui taper sur les mains pour lui faire lâcher prise… Celui-ci s’en est, d’ailleurs, excusé le lendemain ! Mais ça a fait le tour du monde avec parfois des réflexions peu élogieuses sur son comportement peu respectueux : « Quand même pour un pape, ce n’est pas bien »… Moi, son attitude m’a profondément réjoui ; le pape (et il ne manque pas une occasion pour le rappeler) n’est qu’un homme et réagit comme un homme sans chercher à se justifier et en le reconnaissant ! Qu’est-ce qu’on se sent proche de lui !

Et c’est là qu’on retourne au baptême de Jésus : Dès qu’il a été baptisé, Jésus a entendu son Père dire : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie » (c’est la nouvelle traduction, l’ancienne était bien meilleure, elle se termine par : « … en lui, j’ai mis tout mon amour ! » Et c’est vrai aussi pour nous, c’est quand on se reconnait en condition de pécheur, qu’on est le plus disposé à entendre Jésus nous dire : « Tu es mon fils (ma fille) bien aimé, en toi, j’ai mis tout mon amour ! » Et cela nous réjouit de savoir que tous, sans aucune exception, (Pierre nous le rappelle dans le livre des Actes : « Dieu ne fait pas de différence entre les hommes ! »), nous sommes formidablement aimés de Dieu, comme lui-seul est capable d’aimer gratuitement et parfaitement chacun et chacune d’entre nous. Et c’est d’un  grand réconfort !

Daniel Bertèche