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Homélie du 20 octobre 2019

HOMELIE   DU  20  OCTOBRE    (Luc 18, 1-8)

Une fois de plus (certains vont croire que je radote !) cet évangile lu au premier degré  peut être compris de travers et certains ne s’en privent pas ! En effet cette première phrase : « Jésus disait à ses disciples une parabole sur la nécessité pour eux de toujours prier sans se décourager… »  peut naturellement et logiquement être vue comme la nécessité de prier, de prier sans cesse, et en insistant pour pouvoir être exaucé. Et la parabole que raconte Jésus peut nous entraîner vers la même conclusion : « Même un juge malhonnête donnera satisfaction à une veuve parce qu’elle lui aura cassé les pieds nuit et jour… » à plus forte raison Dieu, pour des raisons plus sympathiques quand même, à force, nous écoutera ! Mais sans trop comprendre pourquoi certains seraient exaucés plus vite que d’autres. D’où l’existence de personnes qui prient « à la tonne » pour pouvoir être exaucés. Mais à  partir d’un raisonnement comme celui-là, quelle idée on se fait de Dieu : Celui qui attend un certain nombre de prières pour accepter de les exaucer ; alors à partir de quelle quantité, de quel critère, il les exauce ou ne les exauce pas… C’est ça le Dieu qui aime ? C’est ça le Dieu qui aime gratuitement ? Elle est là notre référence et uniquement là, si notre explication d’une réflexion de Jésus ne nous donne pas à voir un Dieu qui aime et qui aime mieux qu’on ne sait le faire, c’est que notre réflexion n’est pas bonne. Alors continuons à chercher ! Nous savons combien notre Foi en l’amour du Christ nous fait relire autrement l’évangile… Je prends souvent comme exemple la rencontre de la Cananéenne avec Jésus… Cette femme, païenne et étrangère, vient demander la guérison pour son enfant… que Jésus refuse de guérir en disant qu’il n’est pas venu pour les païens mais uniquement les brebis perdues d’Israël…. Cette femme insiste et Jésus a cette parole terrible : « Il n’est pas bon de donner le pain des enfants aux petits chiens… » Et cette femme de reprendre : « Mais les miettes de pain qui tombent de la table des enfants peuvent être mangées par les petits chiens.. » Dans cette conversation, comme on l’interprète souvent, Jésus ne veut pas mettre cette femme à l’épreuve…. Si c’était le cas, ce serait la réaction d’un sans-cœur qui ne se laisse pas toucher par la détresse d’une maman et comme Jésus est l’Amour incarné, ce ne peut être relu comme ça… Mais tout simplement il a eu la réaction d’un bon juif qui attendait le messie uniquement pour le peuple élu, Israël, et pas pour les autres, d’où sa réaction. Et c’est cette femme, à travers sa ténacité,  qui va lui permettre, à ce moment-là, de découvrir qu’il est envoyé aussi aux païens ! C’est autrement beau qu’une mise à l’épreuve d’un sans-cœur !

Alors comment comprendre cette insistance de Jésus sur la vie de prière : La vie de prière est indispensable pour nous rappeler sans cesse que même si notre vie nous donne l’impression que Dieu est absent, nous abandonne, nous punit même… nous avons tort, malgré les apparences Dieu ne nous abandonne jamais, Dieu nous aime, Dieu veut notre bonheur. Et il n’y a qu’en faisant, sans cesse, l’expérience de la Foi en ce Dieu qui nous aime que nous pouvons comprendre notre vie autrement ou prendre le temps de la vie et des réflexions pour découvrir que c’est vrai. Et c’est vrai que nous avons sans cesse besoin de renouveler cette prière qui nous aide à trouver un sens et la difficulté, c’est que cela se passe rarement par les chemins que nous avons prévus !

Cette semaine, j’ai rencontré une jeune femme qui a déjà subi deux greffes des poumons, qui vit seule avec son garçon qui a 8 ans. Elle a de très gros problèmes d’argent, dus en partie à ce qu’elle a laissé courir des factures non payées, prises entre autre par ses problèmes de santé. Elle m’a appelé au secours et suis allé l’écouter pendant deux heures chez elle. Je me suis senti totalement impuissant par rapport à tous ses problèmes de santé et même d’argent …Depuis, elle est revenue au presbytère et a rencontré Luc pour nous dire qu’elle repartait le lendemain en urgence à l’hôpital à Paris à cause d’un nouveau rejet de ses poumons. Quand je l’ai rencontrée elle portait des tas de médailles, son gamin portait un chapelet autour du cou et elle-même s’était fait tatouer un chapelet. J’étais en plein dans ce texte d’évangile ! Totalement impuissant, sans trop voir clair dans sa vie, donc incapable de lui trouver une issue ou un début de solution (y compris dans ses problèmes financiers). Je l’ai écoutée, j’ai essayé de lui donner de l’amitié, mettant en avant la gentillesse et l’attention de son gamin et c’est tout. Dimanche dernier, elle est venue à la messe, est passée pour dire qu’elle ne viendrait à celle de samedi soir, partant pour l’hôpital. Sans rien voir d’autre, dans la Foi, je me dis que ce constat d’impuissance m’est absolument indispensable pour une écoute vraiment gratuite de l’autre ! ça a déjà du sens !

Daniel Bertèche