Paroisses
Denier
Années de l'Appel

Homélie du 6 octobre 2019

HOMELIE   DU  6 OCTOBRE    (Luc 17, 5-10)

Encore un évangile bien déconcertant à première lecture (j’ai eu la chance, cette semaine, de réfléchir à partir de ce texte avec quatre groupes de personnes différentes et donc je n’en suis plus à la première lecture !) Ce qui choque surtout, c’est la deuxième partie de ce texte où Jésus ne semble absolument pas tenir compte de ce que l’on peut faire de bien et il le justifie par l’expérience de son époque : « Lequel d’entre vous, quand son serviteur aura labouré ou gardé les bêtes, lui dira à son retour des champs : « Viens vite prendre place à table » ? Ne lui dira-t-il pas plutôt : « Prépare moi à diner, mets-toi en tenue pour me servir, le temps que je mange et boive. Ensuite tu mangeras et boiras à ton tour…»  Dur, dur quand même et surtout Jésus insiste en concluant que nous ne sommes que de simples serviteurs, ça c’est la traduction la plus soft certains traduisent par serviteurs quelconques ou inutiles ! Cette réflexion de Jésus est d’autant plus étonnante que dans le même évangile de Luc, quelques chapitres avant (le douze), Jésus dit exactement le contraire. Je cite : « Heureux les serviteurs que le maître à son arrivée, trouvera en train de veiller. Amen, je vous le dis : c’est lui qui, la ceinture autour des reins, les fera prendre place à table et passera pour les servir ! » Alors où est la vérité ?

Si nous regardons à qui ce discours s’adresse, nous aurons la réponse : Dans le deuxième texte, Luc nous dit que Jésus s’adresse aux disciples (c’est-à-dire à tous), alors que dans le texte d’aujourd’hui, il parle aux apôtres, aux douze ; eux qui se prennent facilement pour des chefs, rappelons-nous, ils se disputent entre eux pour savoir qui est le plus grand. Et donc, Jésus veut casser leur désir de hiérarchie, de chef. D’ailleurs, quand ils demandent à Jésus d’augmenter leur foi, c’est déjà dans ce désir d’être supérieurs aux autres y compris dans le domaine de la Foi : « Nous sommes plus croyants que vous ! » Et Jésus leur répond qu’il n’y a pas de plus ou moins grand croyant, avec une foi la plus petite comme une graine de moutarde on peut déplacer les montagnes (ou envoyer un arbre dans la mer, ce qui est complétement inutile). Le plus petit croyant a tout ! Et la suite est dans la même logique : « Ne cherchez pas à être les plus grands, à dominer, à vous enorgueillir de ce que vous êtes, vous êtes tous, même vous les apôtres, les chefs de l’Eglise, de simples serviteurs. Si Jésus semble vouloir nous « casser », ce n’est pas du tout pour nous humilier mais au contraire pour avoir cette mentalité de serviteur (celle de Jésus) qui est la seule qui permet de vivre en amour et en vérité avec les autres, tous les autres.

Hier, comme tous les mois, je me suis retrouvé avec deux amis prêtres pour réfléchir sur notre vie à partir de l’évangile. L’un d’eux a raconté la préparation des obsèques d’un homme paralysé et ayant perdu l’usage de la parole depuis 12 ans. Cet homme vivait à Bondy dans la région parisienne et avait des attaches en Meuse… Cette préparation avec la famille a duré très longtemps, non pas pour préparer la cérémonie proprement dite mais pour partager ce qu’a  été cette fin de vie et la place de la Foi dans leur vie. Cela a été pour le prêtre une très longue écoute (pour la petite histoire, il avait prévu aller au cinéma une heure et demi après le début de la rencontre en pensant que cela serait suffisant, il a fallu multiplier par deux la durée et donc pas de cinéma !). Il nous a dit toute l’admiration pour ce qui a été vécu là. Je ne citerai qu’un exemple : Pour s’occuper de cet homme, le médecin était juif, les deux infirmiers qui l’accompagnaient à domicile étaient musulmans et la famille du défunt était catholique pratiquante. Au moment de la mort de cet homme, sa femme a dit à un des infirmiers qu’elle voulait se retrouver seule avec son mari. Celui-ci lui a demandé un tapis et lui a proposé de passer dans la salle à côté pour faire sa prière, ce qui fut fait ! Pour voir tout cela, pour se réjouir de cette richesse de vie, il ne faut pas avoir l’esprit encombré par des choses à faire, il faut se rendre disponible. Cela coûte car on a l’impression de ne servir à rien, mais quel bonheur d’être témoin de ces belles choses qui nous révèlent que l’Esprit est à l’œuvre et peut être qu’on se crée des activités pour ne pas le voir ! ( Je parle pour moi…) On veut tellement se rendre utile. Hier soir, j’avais les gamins de 6ème au caté, des bons jeunes qui m’ont commenté leur début au collège… L’un d’eux me disant : « C’est drôle, quand on est à l’école primaire, on a envie d’être au collège et maintenant qu’on est au collège, on rêve d’être au lycée. En fait, on n’est jamais content ! » J’ai trouvé super sa réaction. Ils m’ont étonné dans leur manière de raconter très spontanément leur vie pour y découvrir les richesses. En fait, ils savent à travers toutes les personnes qui leur ont fait le catéchisme que la réflexion qu’ils font à partir de leur vie sont entendues, mises en valeurs, prennent sens et pour cela, c’est vrai, il faut accepter de prendre la place de simple serviteur, c’est celle que Jésus a toujours prise, car c’est celle (la seule ?) qui nous permet de regarder la vie avec Bonheur !

Daniel Bertèche