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Homélie du 8 septembre 2019

HOMELIE   DU  8  SEPTEMBRE  (Philémon 9b-10.12-17 Luc14, 25-33)

D’abord un mot sur cette extraordinaire lettre à Philémon. Paul renvoie à son ami Philémon Onésime, l’esclave de ce dernier. Cette lettre accompagne le retour d’Onésime qui s’était sauvé du domicile de son maître. Attitude de désobéissance qui pouvait amener à la peine de mort… Mais Paul propose (il n’impose pas) à Philémon de l’accueillir « non plus comme un esclave, mais, mieux qu’un esclave, comme un frère bien-aimé : il l’est vraiment pour moi… » Quelle révolution Paul propose à Philémon, quand on sait que l’abolition de l’esclavage tourne autour de 1850 ! Et Paul rappelle que c’est en Jésus Christ qu’il a découvert l’égalité entre les personnes : « Il n’y a plus ni esclaves, ni hommes libres, nous sommes tous frères en Jésus Christ… » Et cette courte réflexion à partir de ce texte va nous aider à comprendre le sens du début de l’évangile où Jésus nous demande de le préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants etc…A première lecture, Jésus veut le monopole de l’amour et semble nous demander d’exclure tous les membres de notre famille pour pouvoir être de ses disciples. C’est quand même en totale contradiction avec les commandements : « Tu aimeras ton père et ta mère… » C’est là que le texte de Paul nous éclaire : Cet amour exclusif de Paul pour Jésus lui a permis d’aimer Onésime autrement, beaucoup plus, beaucoup mieux, non comme un esclave mais comme un frère. Et c’est vrai que parfois : Aimer sa famille se fait au détriment des autres. Ma famille d’abord, les autres s’il y en reste. Alors qu’aimer Jésus plus que tout, c’est toujours l’ouverture à l’universel, c’est ne laisser personne de côté et permettre à toute personne de retrouver leur dignité « d’homme libre… ». Aujourd’hui, peut-être plus que jamais nous avons besoin de réentendre ses paroles : C’est assez dans l’air du temps, nous voyons beaucoup de pays, de responsables politique de ces pays, travailler soit disant pour le bonheur des gens de leur pays et tant pis si c’est au détriment des autres pays. On est prêt à bâtir des murs un peu partout pour empêcher ces crèves la faim de venir chez nous. Je trouve qu’on a beaucoup de travail pour redonner le sens de la solidarité entre les peuples, et ce à tous les niveaux.

Nous pouvons continuer notre réflexion à partir des deux petites paraboles au milieu de l’évangile qui nous apparaissent assez peu « évangéliques » ! Cette histoire du gars qui veut bâtir une tour et qu’on invite à s’asseoir pour calculer s’il a les fonds nécessaires pour aller jusqu’au bout de son entreprise… Car s’il ne le peut on va se moquer de lui ! De même un roi qui part faire la guerre et qu’on invite lui-aussi à s’asseoir pour savoir si avec dix mille hommes il peut vaincre un autre roi qui a vingt mille hommes… Sinon, il va demander les conditions de paix avant le combat. Mais qu’est-ce que cela veut dire : Là encore c’est la vie qui nous a éclairés, nous le petit groupe de réflexion du mardi soir : « C’est vrai que sur un autre registre… Sur celui de la générosité : Devant l’ampleur du travail, il nous arrive d’aller au-delà de nos forces, nous voulons tout faire, nous allons parfois à la limite de nos forces et nous faisons tout mal… » Toujours en nous disant, comment faire autrement tout est tellement important. Et c’est vrai que ce n’est pas simple, mais la demande de Jésus de nous asseoir pour y réfléchir est capitale. Pour nous rappeler déjà que nous ne sommes pas Jésus, ce n’est pas nous qui sauvons le monde. Cela de ma part n’est pas un scoop. Mais hier, j’ai découvert un autre aspect de cette parabole ou plutôt une autre conséquence : Hier, je me suis retrouvé avec un groupe du Secours Catholique à préparer le voyage de l’Espérance que nous allons vivre à trente personnes à Lourdes. Dans la petite équipe de préparation, il y a quelques personnes appelées « accueillies » ou « en difficulté » on ne sait jamais comment les appeler ! Et donc il y a eu des explications, un éclairage sur ce que nous allions vivre à Lourdes, donnés par cette petite équipe de préparation (dont je fais partie, j’ai fait l’introduction et la conclusion). Entre autres, deux personnes accueillies sont intervenues. Après un début hésitant, entrecoupé de temps de silence, pour l’une comme pour l’autre (c’est difficile de s’exprimer devant trente personnes soit disant plus cultivées… ) Elles ont laissé parler leur cœur, leurs émotions, leurs joies, ce que cela leur avait apporté ces rencontres, c’était absolument génial. A tel enseigne qu’elles ont eu droit aux plus chaleureux applaudissements. Et cela rejoint tout à fait l’évangile : S’asseoir pour croire que les autres, surtout les personnes que l’on croirait inférieures, peuvent le vivre et le faire beaucoup mieux que nous… C’est aussi ça croire en Jésus Christ qui supprime tous les esclavages, y compris celui-là. .Parce qu’il faut y croire, c’est difficile de laisser vivre des hésitations, des temps de silence sans combler le trou et prendre la place ! J’avoue avoir été tenté ! Mais quel bonheur partagé après…C’est aussi une parabole pour toute notre vie !

Daniel Bertèche