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Homélie du 14 juillet 2019

 

HOMELIE   DU  7 JUILLET     (Luc 10, 25-37)

Cet évangile qu’on appelle la parabole du bon samaritain… A tort d’ailleurs, car pour un juif, un samaritain par définition ne peut pas être bon puisque c’était l’ennemi juré des juifs du point de vue religieux. De nombreux textes de l’évangile nous montrent ce refus de l’accueil des uns par les autres… Alors que, pourtant là-bas, la règle de l’hospitalité c’est quelque chose…Jésus fait sans doute exprès de donner ce samaritain en exemple pour bien indiquer que l’Evangile peut être vécu par ceux qui à première vue sont éloignés de notre manière de vivre… Cet évangile donc, est beaucoup utilisé, à juste titre car on en a jamais fait le tour. Ce qui me frappe c’est combien il parle à tous, que ce soit les plus humbles comme les personnes accueillies du Secours Catholique mimant la scène et réagissant ensuite. Je ne retiendrai que la réaction de l’une d’elle (le rôle du blessé étant tenu par une femme) : « J’ai joué l’âne. La compassion est montée en moi. J’ai eu la joie de porter cette femme blessée. J’ai découvert que l’âne était un vrai collaborateur pour le Samaritain… » Mais il parle aussi au Pape François dans son commentaire de ce texte, surtout à partir du comportement du prêtre et du lévite… J’en extrais  une phrase  (mais tout le commentaire est riche, il se trouve dans le missel des dimanches 2019) : « Tu peux connaître toute la Bible, tu peux connaître toutes les rubriques liturgiques, tu peux connaître toute la théologie, mais connaître ne signifie pas automatiquement aimer…Pourtant, il n’existe pas de véritable culte si celui-ci ne se traduit pas en service au prochain… »

Et je ne peux m’empêcher de le mettre en parallèle avec ce que notre paroisse a vécu dimanche dernier à travers la cérémonie de confirmation et l’installation de l’équipe d’animation pastorale avec notre évêque (pour ceux que cela intéresse cette messe a été filmée et se trouve sur le site du diocèse à la paroisse saint Airy de la Woëvre). Je l’ai revue et ai été frappé combien la liturgie de la cérémonie était très sobre : Procession d’entrée et de sortie au pas de charge, pas d’encensoir, pas de gestes pompeux et solennels ; j’ai d’ailleurs remarqué que l’évêque s’est coulé dans la démarche : par exemple il  a utilisé sa crosse au début et l’a reprise à la fin…Mais surtout  la réflexion à partir de l’Evangile et la vie a été bien présente,(y compris chez l’évêque) surtout l’attention aux plus pauvres, comme priorité est bien ressortie. On se rappelait et on célébrait cette richesse de vie des plus petits.

Toute cette réflexion m’a ramené à un sujet actuel et brûlant de discussion : Tout ce qui tourne autour de la fin de vie de Vincent Lambert : D’un côté, vous avez la réaction de ses parents, accompagnée par la réflexion de l’Eglise Catholique qui peut se résumer en ces mots : « Tu ne tueras pas… » Et à partir de cette loi fondamentale, on a le droit de tout se permettre y compris ne pas voir et ne pas respecter la souffrance de sa belle- fille ! OK, c’est vrai que l’on a à faire attention pour ne pas sélectionner et éliminer tout ce qui à nos yeux ne nous apparait pas conforme. On se rappelle toute la richesse de vie bien présentes chez les personnes en situation de handicap et qui renvoie souvent les gens soit disant bien portants à leurs propres limites et qui les appellent à grandir sur le chemin de l’amour ; Jean Vannier nous a beaucoup aidés dans ce sens ! Mais faut-il s’en tenir uniquement à ces principes qui sont bons.

J’avoue que depuis que je rencontre des personnes en EPADH et que je constate dans la durée combien petit à petit certaines se dégradent, surtout mentalement, pour certaines vivre jusqu’à une certaine nuit de l’esprit, j’éprouve beaucoup de souffrances à voir dans ses réactions, j’ose le mot, une certaine déshumanisation où je ne reconnais plus celles que j’ai estimées, admirées, aimées Je pense à une femme que j’ai connue discrète, délicate, effacée mais toujours prête à rendre service en particuliers dans l’église et qui, en EPADH vient maintenant le vendredi à la messe dans son fauteuil emmenée par une petite jeune toute gentille qu’elle engueule régulièrement parce que, par exemple, elle ne vient pas assez vite la rechercher. Elle a toujours toutes les bonnes raisons pour agresser l’un ou l’autre ! Je ne la reconnais plus. Cela fait mal et je me pose la question : quel souvenir je vais garder d’elle ? Toute cette réflexion m’invite à entendre et à comprendre les réactions des uns et des autres et surtout pour reprendre l’évangile d’aujourd’hui à ne pas au nom de nos bonnes règles religieuses les éviter, passer à côté sans nous arrêter et sans voir et comprendre leur souffrance. Le monde d’aujourd’hui n’a pas besoin de juges (il y en a assez comme ça) mais il a besoin de personnes apaisantes, aimantes. En nous rappelant toujours que notre humanité est imparfaite et que souvent les meilleurs réactions sont celles que nous appelons les moins mauvaises. En nous rappelant toujours que notre référence unique c’est celle de Jésus qui est « pris aux tripes » c’est-à-dire : saisi de compassion…

Daniel Bertèche