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Homélie du 4 novembre 2018

   HOMELIE   DU  4  NOVEMBRE     (Marc 12, 28b-34)

En regardant très rapidement l’évangile de ce jour, je me suis dit : Voilà un texte facile déjà beaucoup regardé et réfléchi : Aimer Dieu et aimer son prochain… C’est le cœur de notre Foi, c’est à cela qu’il faut toujours faire référence et ne pas se perdre dans des tas de règles plus ou moins morales si éloignées de l’amour… Et puis, j’ai relu le texte et je me suis rappelé qu’autrefois et surement encore aujourd’hui sur ce même premier commandement on n’employait pas vraiment la même expression et que cela avait en fait beaucoup d’importance : Dans l’énoncé des commandements de Dieu on dit : « Tu adoreras Dieu seul et tu l’aimeras plus que tout ! », c’est-à-dire Dieu avant tout et au détriment des autres (avec droit de vie et de mort sur les humains) alors que Jésus dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force… » Effectivement ce n’est pas la même chose : Dans la définition de Jésus, il n’y a pas d’exclusion, de hiérarchie, de domination. C’est déjà là une histoire d’amour car voir les choses ainsi, c’est rejeter tout fanatisme, c’est rejeter toute concurrence : Dieu premier servi au détriment des humains ! Et on comprend la réaction merveilleuse du scribe avec cet état d’esprit : Aimer Dieu et aimer son prochain, vaut mieux que toute offrande d’holocauste  et de sacrifices… Donc notre Foi, c’est aimer, pas accomplir des rites…Et cet amour Jésus commence par le vivre en sachant admirer la réaction du scribe : « Tu n’es pas loin du Royaume de Dieu ! » Quelle belle reconnaissance qui ne peut que faire du bien au scribe

Je rentre du Sénégal… Nos voyages répétés là-bas nous ont amenés à rencontrer Abdoulaye, notre chauffeur de taxi… Par lui, nous avons rencontré les gens très pauvres de son village… Petit à petit grâce surtout aux consultations effectuées par un ami médecin et deux infirmières au dispensaire du village, nous avons aidé Abdoulaye à acheter un taxi pour européens (avec la clim). Abdoulaye nous a permis d’étendre nos connaissances, nos aides (ballons de foot, maillots)… Nous sentions qu’il était un peu le leader du village, vivant déjà naturellement une expérience collective qui faisait notre admiration : repas préparés par les mamans à tour de rôle pour tous dans une cuisine commune (une baraque en tôle !) enfants élevés ensemble, paye d’Abdoulaye servant à nourrir un grand groupe… Abdoulaye vivant au milieu des uns et des autres… Et puis la maman d’Abdoulaye qui avait beaucoup d’influence sur le groupe est morte. Alors des dissensions sont intervenues. Abdoulaye a été accusé de favoriser les siens au détriment des autres dans les consultations prodiguées par des membres de notre groupe, ce qui était totalement faux. Alors Abdoulaye l’a très mal pris et s’est isolé des autres… Avec notre argent ; il s’est faire faire une maison individuelle, belle à côté des autres. Ce fut une grosse déception pour moi : Il se mettait à part et nous mettait à part. Cette année il a fait construire un mur tout autour de sa maison ; il n’y a plus de cuisine collective, chacun chez soi, des murs se sont élevés autour des autres masures. Quel échec au niveau de l’idée que je m’étais faite du « salut » porté par un travail ensemble : Faire des ponts pas des murs ! En fait, une des personnes de notre groupe m’a fait découvrir qu’ici aussi les gens vivent des sentiments d’insécurité, des vols etc…  Ils accusent une autre ethnie les peuls ! C’est la réalité du Sénégal d’aujourd’hui ; cela nous rend humble en constatant notre impuissance et cela peut amener au découragement (ce fut le cas !) : Mais n’oublions pas l’évangile, cet amour de Dieu si fort et en même temps si respectueux pour nous, nous rappelle que ce chemin de l’amour, rien ne peut nous le faire abandonner… Aussi ces évènements d’avant contrecarrés , nous a tous permis de donner toute l’importance à l’accueil d’un autre jeune Souleymane, homme à tout faire en tant que gardien, assurant l’entretien de la propriété. L’une d’entre nous a découvert qu’il vivait dans une cabane terriblement chaude vraiment sans le moindre confort. Aussi, il partageait les repas et les soirées avec nous, un type super intelligent pas gâté par la vie qu’il nous a racontés. On lui a offert un ventilateur pour rendre sa chambre plus supportable. Alors au repas d’après il nous a fait un discours qui avait couleur de prière, nous remerciant et disant avec beaucoup d’émotion que jamais on n’avait ainsi fait attention à lui, qu’il n’en revenait pas d’exister comme cela à nos yeux… Des larmes ont coulé chez certaines, les autres dont moi n’étaient pas loin. C’était une super amitié réciproque. Avant que nous partions, il a tenu à offrir à chacun des cacahuètes et du citron vert que nous avons accepté bien sûr, alors qu’il est payé à rien. Nous avons mesuré l’importance de ce partage  sans rejeter personne d’autres (ce n’était pas si facile, Suleyman est plus « brillant » qu’Abdoulaye ! Mais elle est là la vraie vie, il est là le véritable amour. La crainte de Dieu citée dans l’Ancien Testament n’st pas une peur humaine mais une véritable fascination suscitée par ce qu’est la beauté de l’amour de Dieu qui fait du bien.

Daniel Bertèche