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Homélie du 21 octobre 2018

HOMELIE   DU  21  OCTOBRE     (Hébreux 4,14-16. Marc 10, 35-45)

Je voudrais m’arrêter d’abord sur le texte de la lettre aux Hébreux qui traite du prêtre ou plutôt de la différence de conception existant entre les juifs et les chrétiens sur ce sujet, cela me paraît très important aujourd’hui d’y voir un peu clair : Pour les juifs, le rôle des prêtres en général et du grand prêtre en particulier, c’est de faire le pont entre le Dieu inaccessible et le peuple. Quand on dit « Dieu saint », on pense Dieu séparé, inaccessible ; les hommes eux, appartiennent au monde profane que l’Ancien Testament appelle impur. Alors pour transmettre à ce Dieu nos prières, ou même nos actions de grâce, il faut quelqu’un qui fasse le pont. Et ce quelqu’un ne peut pas être un homme ordinaire, qui appartient au monde profane ; d’où le rituel de la consécration du grand prêtre. Le mot « consécration » signifie justement séparation, mise à part. Pourtant, nous savons que l’Ancien Testament avait découvert, et merveilleusement, le Dieu tout proche… Mais c’est uniquement lui qui faisait la démarche : « Il traversait l’abîme qui nous sépare de lui… » car pour l’homme c’était impossible. D’où la nécessité du prêtre, mis à part pour cela… Cela, c’était  la manière de voir des Juifs ; pour les chrétiens, au contraire tout repose sur l’Incarnation : Dieu s’est fait homme ; en Jésus, homme et Dieu ne font qu’un… Et donc, c’est lui qui établit le « pont »… Il est « pont » et  comme le dit le texte : « en Jésus, le Fils de Dieu, nous avons le grand prêtre par excellence… » Pour cette raison ce texte insiste pour dire combien Jésus est vraiment Dieu mais aussi vraiment homme : « Le grand prêtre que nous avons n’est pas incapable, lui, de partager nos faiblesses ; en toutes choses, il a connu l’épreuve comme nous, et il n’a pas péché… » Mais alors quelle est la mission du prêtre aujourd’hui puisque c’est Jésus qui fait le « travail » et de quelle manière ! Le prêtre ne prétend pas « faire le pont » entre Dieu et les fidèles ; mais, par sa présence, il rappelle sans cesse à ses frères que Jésus, ce seul grand prêtre, est toujours en pleine vie, au milieu d’eux et que nous avons à le découvrir et à l’admirer dans la rencontre des autres. (Si j’ai été aussi long pour développer cette partie, c’est que cela rejoint bien ce refus du pape François, de tout cléricalisme comme étant la cause de beaucoup de maux : le fait même de penser que le prêtre puisse prétendre être le « pont » entre Dieu et les hommes en étant le sommet !)

Ceci dit, nous pouvons passer à l’évangile qui se termine par cette phrase, à première lecture, horrible : Jésus est venu « pour donner sa vie en rançon pour la multitude. » Pour nous le mot rançon veut dire que c’est le prix à payer pour obtenir la libération d’un otage… Jésus a payé le prix maximum, le tarif prévu par Dieu son Père pour nous racheter. Penser cela serait contraire à toute la démarche de l’Ancien Testament qui, progressivement au cours des âges, va évoluer dans sa manière de penser Dieu, de penser, par la même occasion, ce que cela veut dire qu’aimer réellement jusqu’à découvrir qu’en Dieu c’est quelque chose de totalement gratuit. Il faut d’abord se rappeler qu’à l’époque de Jésus, le mot « rançon » signifiait la libération, c’est-à-dire la seule chose importante en définitive.

Bon, après toutes ces mises au point, arrêtons-nous au cœur de cet évangile : Ces deux fils de Zébédée, Jacques et Jean, des apôtres en vue qui viennent demander à Jésus une « promotion » : d’être les numéros un et deux dans le groupe…Donc d’être au-dessus des autres apôtres. Dans l’évangile de Matthieu, c’est pire, c’est leur mère qui vient demander à Jésus cette promotion pour ses fils…Mais où on en est ?  En plus les dix autres sont très en colère parce que eux aussi voudraient être chefs et donc ils sont concurrents… Suite à tout ce que Jésus leur a dit jusqu’à maintenant et qu’il va leur répéter, c’est petit, ils n’ont donc rien compris ! Et Jésus calmement leur répète : « Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. » en expliquant : « Comme moi,  je ne suis pas venu pour être servi mais pour servir… » Nous connaissons bien ce message qui est chemin d’amour. Mais ce que je retiens aujourd’hui, c’est tout ce comportement des douze apôtres qui vivent avec Jésus depuis plusieurs années et qui en sont encore à se poser les questions de domination, en plus qui osent le dire ouvertement à Jésus…. Par rapport à ce qu’est aujourd’hui l’Eglise, à ce que nous sommes, à ce que je suis, c’est réconfortant ; à l’époque de Jésus ce n’était guère mieux que nous (je penserais même plutôt le contraire !) Le fait que ce ne nous soit pas caché mais qu’au contraire cela nous soit rapporté surement volontairement dans les évangiles, cela nous fait encore plus de bien : en nous demandant d’accepter cette humanité des apôtres, cela nous donne la capacité de pouvoir accepter notre propre humanité, et surtout celle des autres !

Daniel Bertèche