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Homélie du 18 juillet 2018

     HOMELIE   DU  15   JUILLET       ( Marc 6, 7-13)

Quand on se rappelle ce que Jésus a vécu juste avant (cf évangile de dimanche dernier) : Un échec cuisant de son enseignement, qui plus est dans son village natal… On peut être étonné qu’aussitôt après, il envoie les douze apôtres en mission pour dire aux personnes rencontrées qu’il fallait se convertir ! Ce n’était peut-être pas trop le moment et je pense qu’ils ne sont pas partis la fleur au fusil dans un grand enthousiasme, lié à la pleine réussite de leur maître ! Mais en fait, peut-être que si, c’était le moment… Car là, ils sont capables d’entendre l’état d’esprit que Jésus leur propose : Ne prenez rien pour la route sauf un bâton, pas de pain, pas de sac, pas d’argent, juste des sandales, pas de tunique de rechange… Ils partent comme des clochards obligés de demander l’hospitalité. Et Jésus insiste : « Là où on vous accueille restez, là où on refuse de vous accueillir, partez…  et secouez la poussière de vos pieds, pour signifier aux gens que surtout, on ne veut rien leur prendre pas même la poussière…
C’est quand même une drôle de mission que Jésus confie à ses amis, surtout dans quelles conditions, il leur impose de la vivre, comme des clochards, comme des sdf !

Pour bien comprendre la portée de cette demande de Jésus, j’avoue que cette année j’ai été aidé par un témoignage, tiré d’une revue du Secours Catholique, écrit par un sdf qui parle de sa vie, du chien qui s’est fait adopter : « le chien a fait de moi son compagnon à deux pattes. Lui a compris que la seule valeur qui vaille est l’amour d’un être vivant pour un autre… » Il parle aussi des passants qui ont peur de lui d’habitude… il parle surtout d’un passant qui s’adresse  tout d’abord à son chien pour l’aborder lui ensuite (c’est plus facile ainsi !) Ce passant revient souvent sans chercher à rien apporter, ni à convaincre, juste le plaisir de la rencontre, simple présence. Et au fil des mois, le sdf a découvert que ce passant est écrivain, alors ils ont eu des échanges, des fous rires, des va et vient. Et le sdf conclue : « L’essentiel n’est pas dans le contenu des échanges, mais dans l’existence d’un échange, complice, gratuit, précieux et attendu. »
Ce témoignage de cet homme éclaire bien ces dispositions dans lesquelles Jésus met ses apôtres : Il ne les envoie pas apporter, donner, il les met en situation de demander l’hospitalité, le propre de leur mission est bien d’être accueillis. C’est ce qu’a dit récemment Monseigneur Jean Marc Aveline en parlant aux jeunes, chrétiens et musulmans, réunis à Taizé : « Si je disais que j’ai la vérité, cela voudrait dire que j’ai fait le tour de ma religion. Je crois plutôt que Dieu me donne de le découvrir encore un peu plus à travers l’autre. »
La question qui nous est posée après ce texte d’évangile puis ce témoignage et cette réflexion de ce sdf  est double : Nous mettons-nous en situation d’être accueillis ? Et savons-nous accueillir l’autre ? Cette semaine, j’ai téléphoné à une personne qui a à peu près la même maladie que moi, en tous les cas qui est dans le même service à l’hôpital à Nancy ; je me rappelais qu’il était en période de chimio et j’ai donc voulu prendre de ses nouvelles (c’était la première fois que je le faisais)… Nous avons eu un échange assez long… Nous avons tout simplement partagé nos expériences, il a beaucoup parlé et avait besoin d’être rassuré… Ce qui m’a frappé parce que c’était inattendu, c’est ce qu’il m’a dit et répété avec beaucoup de chaleur avant de raccrocher : « Je te remercie beaucoup, cela me touche énormément que tu m’aies appelé…. Vraiment cela me touche, tu ne peux pas savoir ! » J’ai compris à travers ce qu’il me disait que ce n’était pas la portée de mes paroles, l’importance de ma réflexion, qui était premier pour lui, c’était que je l’ai appelé au téléphone. Cela, je l’ai compris à travers la réflexion du sdf dans son témoignage.
Et c’est là que j’en viens au dernier point de cet évangile : Jésus envoie ses apôtres deux par deux. Qu’est-ce que c’est important d’être deux par deux pour être capable de relire la vie, de découvrir toutes les richesses présentes dans la vie des autres et peut être encore plus dans la sienne (on n’est souvent pas doué pour voir les belles choses qu’on est capable de vivre !). J’ai la chance de pouvoir partager assez fréquemment ma vie avec d’autres personnes, je peux témoigner que cela m’est indispensable : Cela m’aide à voir clair, à aller à l’essentiel, à découvrir des belles choses que tout seul je ne vois pas…Ces autres me rappellent sans cesse (avec l’évangile bien sûr !) que le Règne de Dieu ne se réalise ni dans le tumulte, ni dans le clinquant, ni dans le merveilleux, le tremblement de terre ou le feu mais bien plutôt « dans le murmure d’une brise légère.. » C’est indispensable pour garder ou retrouver moral !

Daniel Bertèche