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Homélie du 4 mars

    HOMELIE   DU  4  MARS     (Jean 2, 13-25)

Ce texte est particulièrement étonnant : D’abord Jean nous rapporte un acte très violent de Jésus et on nous le décrit par le détail : « Il fait un fouet avec des cordes, il chasse les changeurs et les animaux hors du temple, il jette par terre la monnaie des changeurs, renverse leurs comptoirs etc… » C’est vraiment violent… C’est étonnant parce que nulle part ailleurs dans l’évangile, on ne voit Jésus agir de la sorte, c’est plutôt tout à fait le contraire, plus d’une fois ; on nous le montre non-violent.Et quand on connaît les lois de la religion juive, on comprend d’autant moins la raison de sa colère. Les personnes que Jésus combat ne sont pas des vendeurs gravitant autour du Temple comme cela se passe à Lourdes ou ailleurs. Ils font partie du temple, ils sont nécessaires à la pratique religieuse : Les bœufs, les brebis et les colombes sont les animaux qui sont offerts en sacrifice aux moments importants de la vie des personnes pratiquantes : Jésus lui-même, tout bébé, a été présenté au temple par ses parents qui ont offert en sacrifice des colombes (l’offrande des plus pauvres).Pour les mêmes raisons,  les changeurs de monnaie étaient indispensables pour pouvoir permettre aux juifs de verser leur obole dans le tronc du temple. En effet la monnaie utilisée à cette époque était l’argent romain portant l’effigie de l’empereur qui se considérait comme un dieu, alors pour qu’il n’y ait pas de blasphème, on changeait cet argent par de la monnaie factice qui pouvait entrer dans le temple ! Et donc que ce soient les vendeurs avec leurs animaux, les changeurs de monnaie, ils étaient indispensables et participaient tous à la bonne pratique religieuse du temple. D’où l’incompréhension tout à fait normale des gens qui étaient là ! 

Alors comme toujours avec l’évangile, nous avons à chercher quel est ce message si important (l’évènement se trouve dans tous les évangiles) que Jésus veut nous délivrer. S’il nous le décrit d’une manière violente, c’est qu’il veut opérer chez les juifs et aussi en nous un changement radical. L’explication se trouve dans sa phrase : « Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai… »  avec la précision de Jean : « Jésus parlait du sanctuaire de son corps…. » Il est là le déplacement et le message est fort : Marie Noëlle Thabut (Bibliste) le dit en ces termes fort justes : « La Présence de Dieu n’est pas dans une construction de pierre, mais au cœur même de l’humanité, dans le corps du Ressuscité. » C’est violent comme révélation, quel déplacement révolutionnaire, si nous voulons découvrir un peu du visage de Dieu, ce n’est pas la célébration du culte qui va nous le révéler  mais vraiment dans la vie. Nos célébrations n’ont vraiment de valeur que si à travers des réalités de notre vie de tous les jours nous avons découvert quelque chose du visage d’amour de Jésus… » Et là, ce n’est pas gagné ! 

Cette semaine, je me suis retrouvé avec une équipe du Secours Catholique pour une relecture avec l’évangile. Nous nous sommes retrouvés à 16, c’était très intéressant et très riche.Dans le groupe, il y avait une personne qui plusieurs fois en parlant de Dieu, de sa volonté, montrait le ciel. Je suis intervenu pour lui dire gentiment : « Dieu n’est pas là-haut, il est ici. Rappelons-nous ce que Jésus a dit : Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. » Je crois que pour ne peut se tromper sur le visage de Dieu, il nous faut regarder, admirer comment des personnes, tout simplement, en pleine vie, savent aimer. Ces parents, ces enfants, ces anciens, ces malades, ces couples, souvent à cause (ou grâce à !)  de difficultés énormes font exploser les limites de l’amour ; nous avons à les regarder et à dire : « L’amour de Dieu, c’est ça ; en mieux bien sûr… Mais c’est sur ce chemin-là » C’est important, ce qui nous donne le droit de le dire, c’est que nous avons été créés à l’image de Dieu… Et donc, dans certains de nos comportements dans le sens de l’amour, nous révélons l’image de Dieu : 

J’écrivais ce texte vendredi matin alors qu’il y avait un verglas assez persistant dans notre rue, une voisine avait enfilé des chaussettes sur ces chaussures, pris un bâton avec une pointe pour aller chercher du pain jusqu’à la voiture de la boulangère qui n’avait pas pu monter la côte.Sans rien nous dire, elle a pris une baguette et est venue nous l’apporter. Vous voulez reconnaître le visage de Dieu ? Le visage de Dieu, c’est cette voisine… En mieux, bien sûr, mais dans ce sens-là…Et pas dans le sens grandiose et désincarné que parfois nous trouvons dans nos temples. Je pense que nous n’aurons jamais fini de nous convertir et Jésus a raison de réagir violemment pour changer nos mentalités qui cherchent à être « célestes » au lieu d’être tout simplement humains.

Ne cherchons pas la perfection, cela ne fait pas partie de notre humanité, ce ne peut qu’être forcé, artificiel  ou faux et surtout, en refusant notre humanité que nous partageons avec les autres, cela nous empêche d’aimer. 

Daniel Bertèche