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Homélie du 18 février

Chaque année, le premier dimanche de Carême, on lit le récit des tentations de Jésus dans l’un des trois évangiles qui raconte cet épisode. Marc, contrairement aux autres, n’entre pas dans les détails : « Jésus resta quarante jours dans le désert, tenté par Satan… » C’est tout… Simplement Marc continue en nous disant qu’il invitait les personnes rencontrées à se convertir et à croire à la Bonne Nouvelle.
Et justement c’est l’invitation qui nous est faite à travers ce temps de carême : Nous convertir, c’est croire à la Bonne Nouvelle.
Et c’est quoi la Bonne Nouvelle ? C’est nous rappeler sans cesse (et Jésus nous le rappellera et le concrétisera) que Dieu aime les hommes, aime tous les hommes à temps et à contre à commencer par les plus petits,  les plus humbles, les exclus

Mais alors quelles seront les tentations que Jésus va vivre pour annoncer cette Bonne Nouvelle. Le texte qui revient immédiatement en mémoire, c’est celui où justement Jésus va traiter Pierre de tentateur, de Satan : « Passe derrière moi Satan ! » Il est intéressant de resituer ce passage : Jésus demande aux disciples qui il est à leurs yeux  et Pierre répond : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant… » et Jésus le félicite pour sa bonne réponse. C’est au moment où Pierre vient de faire la plus belle déclaration, le plus bel examen de théologie ( !) qu’il est, pour Jésus, occasion de tentation. Jésus explique comment concrètement cette bonne nouvelle va être reçue.

Pour reprendre le début de l’évangile qu’on vient d’entendre : « Il va vivre parmi les bêtes sauvages, mais aussi des anges le servaient… » C’est-à-dire qu’il a été accueilli et surtout compris par certains et pas par d’autres. Car le messie que beaucoup attendaient à cette époque c’était quelqu’un de politiquement puissant, qui chasserait l’occupant romain et restaurerait la liberté politique d’Israël. Et Jésus a dû sans cesse prêcher la seule grandeur de l’amour avec toutes ses conséquences. Et chaque fois qu’il impose le secret à ceux qui ont entrevu son mystère (curieusement surtout ceux qu’on appelle possédés du démon !), c’est parce qu’il ne veut pas laisser son entourage s’engager sur une fausse piste.

Et c’est cette fausse piste que prendra Pierre en refusant d’entendre Jésus parler des conséquences de cette voie de l’amour  qui passe inévitablement par la faiblesse, le service, le parti pris pour les petits, et aussi le rejet, la souffrance et la mort. Et Pierre en bon juif refuse, au départ, ce chemin…  C’est vrai que ce chemin, Jésus lui-même sera tenté de le quitter. Jusqu’à la dernière minute, à Gethsémani, il aura la tentation de reculer devant la souffrance, rappelons-nous cette prière à son Père à ce moment : « Mon âme est triste à en mourir… Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe… » Et après il se reprend.

Il est aussi une autre tentation beaucoup plus sournoise et beaucoup plus fréquente : C’est celle de l’efficacité, de la réussite dans l’annonce de la Bonne Nouvelle.

Nous avons entendu cet évangile, un de ces dimanches derniers où Pierre part à la recherche de Jésus, qui est à l’écart en train de faire le point avec son Père dans la prière, pour lui dire : « Tout le monde te cherche… » Sous-entendu : Cultivons la réussite grâce aux miracles, c’est une affaire qui marche, on va convertir plein de gens ! » Et Jésus de lui dire : « Partons ailleurs, pour que là-bas aussi, j’annonce la Bonne Nouvelle… »J’ai mieux compris l’attitude de Jésus grâce au témoignage du dernier moine de Tibhirine vivant (94 ans) Je cite : « J’ai rencontré un jour un homme dans un ermitage de Charles de Foucauld, qui voulait attirer les musulmans à devenir chrétiens…

Nous, nous donnons un autre sens au mot conversion : nous aussi, nous avons besoin de nous convertir à Dieu, de mieux écouter sa Parole et d’en vivre. Le premier point, c’est donc de devenir meilleur et plus disponible à Dieu. A partir de là, nous laissons au Seigneur le soin d’agir sur l’autre et réciproquement… » Cette réflexion me fait redécouvrir quelque chose qui n’est pas nouveau et pourtant me remet particulièrement en cause aujourd’hui :

Je répète souvent que se convertir, c’est voir la Bonne Nouvelle dans la vie, c’est tout regarder comme une Bonne Nouvelle. Si je ne la vois pas cette Bonne Nouvelle, c’est que je cherche à convertir les autres, en sachant voir tout ce qu’il y a à changer en eux, en remettant en cause leur comportement, en leur faisant toucher du doigt leur conduite peu évangélique (je le fais surtout vis-à-vis des membres de l’Eglise !) .

En ayant cette attitude, je ne peux pas voir cette Bonne Nouvelle, je passe mon temps à critiquer, juger et condamner. En travaillant à ma propre conversion qui m’invite à découvrir la Bonne Nouvelle en toute personne, et à accueillir ses richesses de vie, je fais confiance en l’Esprit de Jésus qui seul travaille le fond du cœur de chacun. En ce qui me concerne, ce n’est pas gagné !

J’aurai encore besoin de plusieurs carêmes pour y arriver !

Daniel Bertèche